Après les « griffes Tram« , nos amis belges du CRPJ (Cercle Royal Philatélique de Jemeppe sur Meuse, près de Liège) nous proposent une étude très complète sur le ballon monté « Ville d’Orléans ». Merci à eux !

Le « Ville d’Orléans » est le ballon monté n°33 utilisé pour le transport du courrier à l’extérieur de Paris, assiégé par les armées prussiennes en 1870. L’odyssée de ce transport est surprenante et s’achèvera en établissant un record du monde.

Mais comment en est-on arrivé à cette situation extrême ?

En 1868, un coup d’Etat chasse du trône d’Espagne la reine Isabelle II. Exilée en France, elle n’abdique qu’en 1870. Les Espagnols sont à la recherche d’un nouveau roi et proposent le trône à Léopold DE Hohenzollern un cousin catholique du roi de Prusse. Poussé par le chancelier Bismarck , Guillaume I^er donne son accord.

La France effrayée par cet encerclement s’oppose à la Prusse et fait savoir son désaccord. Guillaume I^er retire alors son soutien à la candidature de son cousin.

Mais le gouvernement français exige que celui-ci s’engage par écrit. Bismark manœuvre et profite de l’occasion pour envenimer les relations. C’est la dépêche d’Ems. Les Allemands se sentent insultés et les Français se sentent injuriés.

La France déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870, Napoléon III espérant une nouvelle popularité avec la victoire.

Mal préparés et très inférieurs en nombre, les Français sont sévèrement battus dans différentes batailles. Le 2 septembre Napoléon III avec une grande partie de l’armée française est fait prisonnier à Sedan. Il signe l’acte de reddition et est emmené en captivité en Allemagne. Le 3 septembre l’empire est aboli ; le 4 septembre 1870, la Troisième République est proclamée.

Mais la guerre franco-allemande continue. Les armées prussiennes et leurs alliés avancent vers la capitale. Le 17 septembre l’encerclement de Paris débute et après deux jours de combats, le 19 septembre, Paris est assiégé par les armées allemandes. Les différentes tentatives militaires pour briser l’encerclement sont des échecs et une grave crise sociale accroît ce terrible blocus.

Le gouvernement français est contraint de négocier. Bismark accepte l’armistice si Paris capitule. Le 26 janvier un armistice est signé et aussitôt appliqué.

Ce conflit se solda par la défaite de la France, et, forts de cette victoire, les Etats allemands s’unirent en un Empire allemand. La victoire entraîna l’annexion par le Reich du territoire d’Alsace-Lorraine et l’affirmation de la puissance allemande en Europe.

Les ballons montés

La guerre désorganise les services postaux. Paris cernée doit résoudre le problème de l’acheminement du courrier et de l’émission de timbres-poste. Toutes les communications avec le reste du territoire français sont coupées. Le seul moyen d’expédier du courrier est la voie des airs.

Des ballons à gaz, avec nacelle, sont donc utilisés pour transporter notamment le courrier civil ou militaire, et des passagers, ainsi que des pigeons voyageurs. Ils sont gonflés avec du gaz d’éclairage hautement inflammable.

Le premier ballon baptisé « Neptune » quitte Paris le 23 septembre 1870. Il est chargé de 125 kilos de dépêches officielles, de journaux et de quelques lettres. C’est le début de la poste aérienne ! Après un vol de 3:15 hrs, il atterrit dans le parc du château de Cracouville, près d’Evreux. Il a parcouru 104 kilomètres. Le voyage n’est pas aisé car un ballon ne se dirige pas, il suit la direction du vent et c’est le lest qui le fait descendre ou monter. Fort de ce succès, l’idée de fabriquer des ballons en série est approuvée par le gouvernement, des ballons neufs doivent sortir régulièrement de Paris.

A la date du 26 septembre, grâce au succès des premiers vols, le gouvernement de la Défense nationale promulgue deux décrets consacrant ainsi l’existence et le fonctionnement régulier du service des communications postales aériennes entre Paris et l’Extérieur.

Premier décret :

Article premier – L’Administration des Postes est autorisée à expédier, par la voie d’aérostats montés, les lettres ordinaires à destination de la France, de l’Algérie et de l’Etranger.
Art. 2 – Le poids des lettres expédiées par les aérostats ne devra pas dépasser 4 grammes. La taxe à percevoir pour le transport de ces lettres reste fixée à 20 centimes. L’affranchissement en est obligatoire.
Art. 3 – Le Ministre des Finances est chargé de l’exécution du présent décret.

Deuxième décret :

Article premier – L’Administration des Postes est autorisée à transporter par la voie d’aérostats libres et non montés, des cartes-poste portant sur l’une des faces l’adresse du destinataire et sur l’autre la correspondance du public. (Vers la mi-octobre l’Administration renonce à l’emploi des ballons non montés qui n’avait fait l’objet que d’une seule tentative, les ballons montés assurant l’ensemble des expéditions.)
Art. 2 – Les cartes-poste sont en carton vélin, du poids de 3 grammes au maximum, et de 11 centimètres de long sur 7 de large.
Art. 3 – L’affranchissement des cartes-poste est obligatoire. Le tarif à percevoir est de 10 centimes pour la France et de l’Algérie.
Art. 4 – Le Gouvernement se réserve la faculté de retenir toute carte-poste qui contiendrait des renseignements de nature à être utilisés par l’ennemi.
Art. 5 – Le Ministre des Finances est chargé de l’exécution du présent décret.

Ce service était ouvert au public sans restriction et constitue la première expérience mondiale de transport par une administration postale de courriers par la voie des airs, marquant la naissance de la poste aérienne.

A suivre …