Ce Breton collectionneur de cartes postales possédait un trésor ignoré

Parmi les centaines de cartes postales en possession de deux collectionneurs de Loudéac (Côtes-d’Armor) se trouvait celle-ci, signée par une certaine « J. Malivel »…

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Beaucoup de « capots », les coiffes traditionnelles du pays de Loudéac sur cette carte postale. ©Le Courrier Indépendant

Alors qu’un journaliste de l’hebdomadaire « Le Courrier Indépendant », de Loudéac (Côtes-d’Armor), « explorait », en novembre 2022, une vaste collection de cartes postales – près d’un millier – appartenant à des habitants de Loudéac, il est tombé sur celle-ci. Une carte doublement remarquable.

D’abord parce que l’illustration, au recto, montre de nombreuses têtes coiffées de ces « capots » typiques du pays de Loudéac. C’est assez rare sur ce type de support et cette originalité pouvait susciter à elle seule l’intérêt.

Mais c’est en retournant cette carte, presque machinalement, que le journaliste s’est retrouvé face à un objet tout à fait extraordinaire. Il se trouve que le message écrit au verso est daté du 2 février (sans préciser l’année) et signé par une certaine « J. Malivel ». Avec un « J », comme « Jeanne » ? A la lecture du message, oui : aucun doute possible. Il s’agit bien de Jeanne Malivel. On reconnaît aussitôt l’écriture délicate, ici à l’encre turquoise, de la célèbre artiste, chère au cœur des Bretons. 

Née Place au Fil, à Loudéac le 15 avril 1895 et morte le 2 septembre 1926 à Rennes, Jeanne Malivel a incarné,  le temps d’une carrière éclair, le renouveau de l’art régional en Bretagne. Elle est notamment réputée pour ses gravures au style très reconnaissable.

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Une carte signée « J. Malivel »… ©Le Courrier Indépendant

« En panne à Loudéac avec les oreillons »

La jeune femme avait sans doute placé cette carte dans une enveloppe car il n’y a ni timbre, ni adresse du destinataire. En l’occurrence, Jeanne Malivel écrivait à une « Chère Mademoiselle » demeurant à Rennes, qu’elle était « en panne à Loudéac », clouée au lit, « avec les oreillons« . Elle avait attrapé la maladie « à la veille de [son] départ » pour Paris.

« C’est une malchance, mais si j’avais été prise (NDLR : par la maladie) à Paris, c’eut été bien une autre histoire. Maintenant, je ne sais quand je partirai… »

Au moins aura-t-elle eu pu se remettre confortablement chez ses parents, un couple de commerçants, que l’on imagine aux petits soins pour cette enfant aux talents si précoces…

L’influente Louise Gicquel

Elle envoie ainsi son « affectueux souvenir » à cette « chère mademoiselle » ainsi qu’à « Melle Gicquel ». Il s’agit très probablement de Louise Gicquel (1876-1956), la professeure de dessin de Jeanne Malivel, elle aussi originaire de Loudéac, qui enseignait à l’institution de l’Immaculée Conception de Rennes. Louise Gicquel avait vite repéré les talents de cette élève surdouée et a certainement joué un rôle déterminant dans la carrière de Jeanne Malivel.

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Un petit mot de Jeanne Malivel, sans doute envoyé en 1916 à une correspondante rennaise. ©Le Courrier Indépendant

C’est sous l’influence de Louise Gicquel, en effet, que Jeanne Malivel avait décidé, à la fin de ses études secondaires, d’aller suivre les cours de l’Académie Julian, à Paris : l’une des rares écoles d’art de l’époque qui acceptait les femmes.

Brouillard de guerre

Mais la guerre éclate et le parcours de Jeanne Malivel devient dès lors assez flou dans les biographies. Elle aurait été reçue une première fois 14e au concours d’entrée de l’École des beaux-arts de Paris. « En novembre 1917 », selon certains biographes (Wikipedia).

Pour d’autres, toujours après cette première admission (sans précision de date), elle aurait été contrainte de repartir pour Loudéac afin de « fuir les bombardements sur Paris ». Mais Paris n’ayant pas été bombardé en 1917, il y a manifestement erreur quelque part.

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Jeanne Malivel – autoportrait. ©Archives

On sait aussi que, de 1914 à 1916, selon les uns, en 1915 seulement selon les autres, avant d’être reçue pour la seconde fois aux Beaux Arts de Paris en 4e position, elle s’est occupée des blessés de guerre à l’hôpital complémentaire n°78 de Loudéac. Elle nous en a d’ailleurs laissé de nombreux dessins.

L’association des Amis de Jeanne Malivel lui donne 19 ans lors de son premier passage du concours des Beaux Arts – ce qui correspond bien à l’année 1914, au déclenchement de la guerre et aux bombardements sur Paris – et quatre ans de plus lorsqu’elle repasse brillamment le concours, en 1918. On sait par ailleurs que Jeanne Malivel a 21 ans en 1916, l’année où elle « pose ses valises » dans la capitale, et l’on peut raisonnablement penser que cette carte a été postée cette année-là, le 2 février, donc.

« Je suis content d’avoir dans ma collection un petit morceau d’histoire d’une personnalité loudéacienne. Cela montre que quand on acquiert une carte postale, il faut avoir le même réflexe que quand on achète une antiquité et retourner l’objet pour le regarder sous tous les angles… »

Philippe, collectionneur loudéacien de cartes postales

Source : Actu.fr

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