Pour en savoir plus: Relais Le premier projet Jeanne d'Arc
Arthur
Maury écrit un article dans le Collectionneur
de TP de janvier 1894 UN
TIMBRE-POSTE EN L'HONNEUR DE JEANNE
D'ARC Voici
un projet auquel nous travaillons activement depuis un mois : nous avons été
forcés d'en parler à diverses personnes et soit par indiscrétion, soit par
une coïncidence bien naturelle, puisqu'il est question de Jeanne d'Arc de tout côté en ce moment, l'idée vient de se faire
jour dans la grande presse où elle est très discutée. Nous regrettons bien
d'avoir été devancé parce que nous voulions poser la question d'une façon précise
qui, croyons-nous, lui aurait donné plus de chance de succès. En effet, il
n'aurait pas fallu demander que les timbres-poste fussent à l'effigie de Jeanne
d'Arc, mais bien qu'un seul des timbres de la série fût gravé en son honneur. Il
est bien évident que le timbre-poste principal, celui à 15 centimes, devra
représenter la République Française à l l'exclusion de tout autre sujet cela
découle des termes mêmes du programme : c'est le timbre national. Mais
pour les autres valeurs, pour les enveloppes et les cartes, il a été reconnu
par le Comité technique postal et aussi par la Commission qui a élaboré le
programme du concours actuel, qu'il était désirable de varier les types pour répondre
aux besoins du service et aussi pour entraver les contrefaçons. M.
le Directeur général des Postes a donc la faculté de choisir ces dessins différents,
soit dans les trois projets primés, soit même en dehors du concours. C'est
par cette brèche que Jeanne d'Arc doit entrer dans la place. Qu'elle ligure
donc sur le timbre à 10 c., ceux qui voudront l'employer pour affranchir leurs
lettres le pourront faire en ajoutant un timbre à 5 c. Le
jury serait bien inspiré s'il décernait le second ou le troisième prix à un
projet relatif à Jeanne d'Arc - il ne peut manquer de s'en trouver parmi les
envois des concurrents. Ainsi l'on sortirait de la routine qui préconisait un
typo unique. Voyez
ces quelques lignes du rapport de M. Mesureur : « Il nous reste à examiner
deux questions qui ont été traitées par vous dans votre première séance et
qu'on a soulevées de nouveau dans la Sous-Commission ; il s'agit de la
multiplicité des types de timbre-poste et de leur impression en deux couleurs. Les
progrès faits à l'étranger en cette matière, le luxe, la beauté et la variété
des timbres américains, russes, et d'autres pays moins importants, nous démontrent
que la France réputée par son goût et sa supériorité artistique, s'est
laissé distancer depuis longtemps. » Eh
bien, l'occasion est belle et ne se représentera peut-être pas de sitôt en
France ; nous conjurons M. le Directeur général des Postes, faisant appel à
son patriotisme et à son goût éclairé, de profiter comme il en a le droit,
de la réforme des timbres pour nous donner, en dépit des routines dont nous
connaissons la puissance, une série de vignettes dont nous puissions être
fiers. L'allégorie
de notre République qui décorera le timbre principal sera superbe, puisqu'elle
sera choisie par l'élite de nos artistes mais il faudrait pour les autres
timbres, toute une série de portraits, ainsi qu'il a déjà été dit. Ce
serait les gloires de la France répandues à des millions d'exemplaires, tous
presque, conservés précieusement par les collectionneurs. Ne voit-en pas qu'il
y a là un immense moyen d’enseignement ? Par
ces petites images, les États-Unis ont fait connaître à tous Franklin,
Washington et leurs principaux hommes d’État ; nous, Français, pourrions
prouver que nous avons émancipé le monde et à tous, à nos amis, comme à nos
ennemis, aux indifférents, aux jaloux et aux ingrats, dont les enfants réuniront
quand même la collection de nos timbres, nous montrerons de force nos gloires
et nos génies, et tout bas ils diront « c'est vrai ». Dans
ce Panthéon de notre histoire, à toi, Jeanne d'Arc, l'honneur « d'entrer la
première » la tête radieuse comme après tes victoires ou bien, casquée et
l'épée au poing comme à Patay et aux Tourelles. Sublime
fille du peuple, qui a secoué la torpeur du roi Charles VII et de ses nobles
pour chasser l'étranger, ta figure inspirée ne sera pas un anachronisme dans
un cadre au nom de la République française ; tant qu'il y aura une France, tu
y seras aimée, vénérée de tous, et nous comprenons bien ceux qui ont fait de
toi une sainte et ceux qui demandent que tu personnifies la Patrie. M.
Joseph Fabre, sénateur, qui s'est fait le champion de Jeanne d'Arc, répondait
dernièrement dans un interview ces quelques mots précis. «
Nous sommes tous coupables envers elle. Catholiques, une centaine de vos hommes
d'Eglise, inféodés à l'Angleterre, et faisant leur théologie complice de
l'envahisseur, ont jugé et brulé comme hérétique la libératrice du pays. Royalistes,
un de vos rois sauvé par elle, n'a rien fait pour la sauver. Libres penseurs,
Voltaire un de vos maître, l'a profanée dans un poème qui est la plus sacrilège
débauche du génie. « Faisons tous amende honorable ». Nous,
philatélistes, nous pouvons taire plus ; nous pouvons la glorifier d'une façon
charmante et, dans ce but, voici ce que nous proposons en dehors du timbre
permanent dont nous avons parlé. SOUSCRIPTION
PHILATÉLIQUE POUR
FAIRE GRAVER UNE SERIE DE SIX TIMBRES-POSTE COMMÉMORATIFS EN
L’HONNEUR DE JEANNE D'ARC. Ces
timbres retraceraient en six tableaux minuscules les principales phases de la
courte et brillante épopée de Jeanne d'Arc : 1°
Jeanne, inspirée, rêve de délivrer la France du joug étranger ; 2°
Introduite auprès du roi Charles Vil, elle le convainc de sa mission 3°
Elle bat les Anglais aux Tournelles et fait lever le siège d'Orléans ; 4°
Elle fait sacrer Charles VII à Reims 5°
Faite prisonnière à Compiègne, elle se défend contre ses odieux accusateurs 6°
Elle est brulée vive sur la place de Rouen. Ces
six timbres seraient dessinés et gravés par nos premiers artistes, leurs
dimensions seraient deux fois plus grandes que celles de nos timbres en cours
(pour les denteler, il suffirait d'enlever provisoirement quelques poinçons à
l'un des découpoirs ordinaires). La
durée de leur emploi serait limitée à quelques mois. En
faisant ces timbres, nous imiterions les Etats-Unis et les Républiques de l'Amérique
du Sud, qui viennent de célébrer par de magnifiques timbres la découverte de
l'Amérique par Christophe Colomb ; le Portugal, qui, jaloux de prendre les
devants, fait aussi des timbres-poste en l'honneur de Henri le Navigateur,
indiquant aux marins portugais le chemin de la mystérieuse Atlante. Puis le
jubilé de l'Angleterre qui cinquantenaire de l'invention des timbres-poste par
Rowland Hill ; la Nouvelle-Galles du Sud le centenaire de sa fondation
Hong--Kong et Shanghai leur cinquantenaire. Jusqu'au Monténégro qui rappelle
ainsi l'introduction de l'imprimerie dans la principauté et aussi le Japon qui
vient de célébrer par des timbres les noces d'argent du mikado. Il faut
ajouter à cette liste l'Espagne qui se prépare à reproduire sur des timbres
les chefs-d’œuvre de Vélasquez. Pourquoi,
avec un noble but, ne suivrait-on pas ce courant ? On
nous objectera péremptoirement, ainsi qu'on l'a déjà fait lorsque nous
avons-proposé un timbre pour l'Exposition universelle de 1889, que
l'Administration ne peut prendre à sa charge les frais considérables d'une émission
de circonstance. On ne nous écoutera pas si nous affirmons que les
collectionneurs paieront ces frais dix mille fois pour une ; aussi
proposons-nous de les faire payer d'avance. Combien
faut-il ? dix, vingt mille francs ? C'est bien trop, mais avec l'excédent
on fera... une statue. Voici notre moyen. L’administration
imprime vingt mille cartes postales (pas une de plus) 10 centimes. Ces cartes
ont les dispositions et la couleur des cartes ordinaires, seulement elles en
diffèrent par une petite vignette bien simple qui évoque le souvenir de Jeanne
d'Arc le carton pourrait être de luxe ! Au verso on lirait : «
Reçu de la personne nommée au recto de celle carte la somme de 1 fr. 10 pour
ta souscription un timbre en l'honneur de Jeanne d'Arc. » L'administration
centraliserait la recette qui lui serait adressée par mandats de poste, elle
accuserait réception aux souscripteurs au moyen de la carte indiquée et c'est
tout ; les vingt mille francs ne seraient pas longtemps à tomber, les
collectionneurs seraient satisfaits en recevant la carte postale à leur nom et
ils attendraient patiemment les timbres qu'ils paieraient encore dès qu'ils
paraitraient, le prix qu'on voudrait bien écrire dessus, supposons 1, 5, 15,
25, 50 c. et 1 fr. Où
est la combinaison ? — Elle est peu compliquée : il y aura cent mille
collectionneurs qui voudront posséder cette simple carte postale et comme le
tirage aura été limite à vingt mille on s'empressera de la paver 1 Fr., il
faudra même prendre des mesures pour empêcher l'accaparement et la spéculation.
Par ce commencement, on pourrait juger de l'empressement du public,
collectionneur à acheter les timbres de Jeanne d'Arc, et tout le bénéfice,
considérable, resterait dans les mains de l'Administration, qui néanmoins ne
se laissera pas convaincre facilement. Voilà
en tous cas notre idée.
L'émission Ce timbre a été souhaité par M . Chollet, maire d’Orléans qui a alerté dès le mois d’août 1928 le ministre en charge des PTT M. Bokanowski de l’importance de célébrer le 5ème centenaire de la délivrance d’Orléans par Jeanne d’Arc.
Le choix du timbre :
Timbres oblitérés du 16 février 1929 (le tirage a commencé le 14); il s'agit vraisemblablement d'une erreur du postier.
Extraits du Journal: Journal du Loiret
Jour de retrait 30/9/1929
Les réactions de la presse d'époque Ce timbre, mal accueilli à l’époque, a fait l’objet de nombreux articles dans la presse avant et après son émission. (voir ci-dessous)
Le Pèlerin 2702 du 6 janvier 1929 Enfin, cinq siècles après Jeanne d'Arc, nous avons un timbre à l'effigie de notre héroine nationale! (Projet de M Gabriel Barlangue. Phot. Meurisse.)
La maquette : (extrait de : Les timbres-poste de L. Demoulin en 1933) Il
paraît que l'on va encore changer les timbres. Le timbre français est
essentiellement barométrique. Il est toujours au « variable », comme les
baromètres qui ne veulent pas se compromettre. Depuis cinq ans, voilà quatre
timbres que je vois mourir. J'ai
vu mourir la « Cérès », une grosse fille joufflue qui avait des
ressemblances avec la Lombardie ancienne, en ce sens qu'elle avait l’air d'étouffer
dans son quadrilatère. Elle était vulgaire, la Cérès, il faut en
convenir. Elle avait son sens certainement ; elle signifiait sans doute que la
France est un pays agricole. Elle était rustique et bonne enfant ; mais il faut
confesser qu'elle était vulgaire. Le timbre est un instrument de vulgarisation.
L'artiste avait pris cette idée un peu trop au pied de la lettre. La
« Cérès » fut condamnée, le timbre céréal
fut frappé à mort. Il fut remplacé par un timbre d'un symbolisme un
peu compliqué. Au milieu, une boule une forte boule, une boule considérable ;
à droite un personnage ; à gauche, un personnage. Tous deux maigres et peu vêtus.
Et ils se donnent la main sur la boule : je veux dire, car il faut éviter
l'amphibologie, qu'au-dessus de la boule, ils joignaient leurs dextres. Ce
n'était pas vilain, encore que cette houle énorme entre ces, deux êtres
humains..., enfin, ce n'était pas très vilain ; mais ce n'était pas clair. Le
bon peuple ne voyait là que la représentation d'un
jeu populaire, et il avait intitulé ce timbre, le timbre de joueurs de boules.
Les politiques prétendaient y voir plus loin et assuraient que cette scène
mythologique figurait la concentration des centres. L'explication officielle, et
par conséquent vraie, était autre. Les deux personnages maigres et la boule
représentaient le Commerce et l'Industrie dominant le monde. Après avoir honoré
l'agriculture on honorait
l'industrie et le commerce. Il n'y avait rien à dire. Au
bout d'un certain temps, cependant, cela ne plut point. C'était obscur. Un
timbre ne doit pas être obscur, paraît-il. Le contenu d'une lettre peut être
obscur mais il ne doit rien y avoir d'obscur sur l'enveloppe. Soit. On
mit à la retraite les hommes à, la boule et leur accessoire. Bon pour le
cirque. Et
là-dessus arriva la Dame assise qui lit la Loi. La Dame assise qui lit la loi
fut peu discutée : elle fut universellement jugée abominable. Elle était
lourdement assise, et elle lisait gauchement sa « Déclaration des Droits de
l'Homme ». Elle avait l'air d'en être horriblement embarrassée. C'était
peut-être symbolique, car on m'assure que la République actuelle est
quelquefois un peu gênée par la «Déclaration des Droits de l'Homme ». Mais
ce n'était pas une raison pour que cette figure fût si gauche et si lourde. Et
d'ailleurs un timbre ne doit pas être une épigramme. La Dame assise qui la Loi
ne la lut pas très longtemps. On l'envoya en exil finir sa lecture. Que cette
leçon vous profite ! Ne vous hypnotisez pas trop dans la méditation de la « Déclaration
des Droits de l'Homme ». La
Dame qui lit la loi rebutée, on songea tout simplement, ce qui est très
logique et parfaitement sensé, à mettre sur les timbres-poste la même chose
que sur les pièces de monnaie, et l'on intronisa l'exquise « Semeuse » de
Roty. Je ne vous dissimulerai pas que je fus enchanté. On a critiqué la «
Semeuse » de Roty. On a fait remarquer qu'elle est éclairée d'une façon
illogique, ce qui ne me paraît pas prouvé, et ce qui, du reste, m'importe
assez peu .0n a fait remarquer qu'elle sème contre le vent, ce qui est très
vrai, et ce qui est plus grave ; mais qu'importe encore, pourvu que le geste
soit beau ? Et il est beau. Et l'allure, donc ! L'allure est charmante, et
quelle ligne du dos ! et du bras droit ! et du bras gauche ! Enfin, elle
est délicieuse. On ne songe pas, je pense, à la faire disparaître de nos
monnaies. Et
bien ! alors, pourquoi songe-t-on à la faire disparaître de nos timbres ? Elle
m'a paru tout aussi jolie sur nos timbres que sur nos pièces de vingt sous (à
peu près mêmes dimensions). Les critiques faites ? Je ne sais pas trop. On la
trouve trop grêle pour le timbre, je crois. -Pas
plus que sur les pièces de monnaie. -Si
! Elle a besoin de relief ! Voilà
une raison ; voilà discuter, et même avec assez de goût. Oui, j'admets
qu'elle a besoin de relief. J'admets qu'elle est peut-être un peu moins jolie
sur le papier que sur l'argent. Mais, ma foi regardez là. C'est à peine, et il
faut y réfléchir et vraiment avec un sens critique qui est un peu de la
mauvaise volonté. Tout compte fait, elle est charmante. Elle a pour elle d'être
élégante et « distinguée ».
Depuis qu'il y a des timbres en France, vous entendez bien, jamais nous n'avons
eu un timbre qui fût élégant et distingué. chercher mieux, je ne dis pas
qu'on risquera de trouver plus mal, je dis que je suis sûr qu'on trouvera plus
mal. Je
crois que quelques-uns trouvent que la « Semeuse » n'a pas assez de
signification. Elle n'a pas de signification politique, c'est vrai; mais elle a
une belle signification patriotique. Elle figure la France semeuse d'idées,
semeuse de beaux sentiments, semeuse de signification. C'est très beau, ce
sens-là, Et, en général, il vaut mieux éviter les significations politiques
et aviser une signification nationale très générale, si l'on veut faire œuvre
destinée à durer et parler à la fois net et large aux peuples d'outre-frontière.
Ni la monnaie ni les timbres-poste ne sont pour faire de la politique : ils sont
pour dire « France » dans le sens le plus étendu, le plus compréhensif et le
plus conciliateur. Et
ils sont surtout, en dehors de leur utilité commerciale, pour être jolis, pour
être beaux, pour être artistiques, comme il convient au peuple le plus artiste
du monde. On
dit aussi : Voyez-vous, il n'y a pas à dire. Décidément, sur les timbres
comme sur les monnaies, il faut une tête. Il n'y a que la tête qui s'encadre
bien dans la circonférence de la pièce de monnaie et dans le rectangle du
timbre-poste. Au fond, c'est assez mon avis, peut-être tout simplement par hérédité
et par habitude il me faut quelque chose d'aussi charmant que la « Semeuse »
de Roty pour que je ne regrette pas la tête. Eh bien ! alors, si l’on veut
absolument autre chose que la Semeuse et si on veut une tête, et si l'on veut
qu'il n'y ait pas la même effigie sur les timbres que sur les monnaies, je
proposerai une tête, et une belle tête, et une tête qui peut rester longtemps
à notre tête, et avec laquelle nous ne trouverons pas désagréable de rester
tête à tête. Il y a longtemps que j'y songe. Je proposerai la tête de Jeanne
d'Arc. La tête de Jeanne d'Arc, casquée, avec le haut du buste cuirassé
serait un motif artistique admirable et symboliserait admirablement la France.
Soyez sûrs que tout autre peuple de la planète (je parle des peuples qui n'ont
pas de souverains), s'il avait une Jeanne d'Arc-dans son histoire, ne songerait
pas à autre chose qu'à la tête de Jeanne d'Arc pour la mettre sur ses
monnaies ou sur ses timbres. Jeanne d'Arc est la patronne même de la France ;
et en elle, en son culte, tous les partis se réconcilient et s'entendent, sauf
celui, s'il est un, qui désire la disparition de la France elle-même. Je
suis donc pour que l'on garde la « Semeuse », qui est exquise, qui est d'une
élégance suprême, qui ne sera pas surpassée, soyez-en sûrs, de longtemps,
au point de vue esthétique, et qu'il est ingrat pour le moment, de délaisser,
pour trouver mieux que ça ». « Mais si la dissémination de la « Semeuse »
est décidée, si l'on n'en veut plus, eh bien ! qu'on nous fasse une Jeanne
d'Arc, élégante et noble-: et qu'on s'en tienne là ! Mais
quelque parti qu'on prenne, qu'on tâche enfin de ne pas pros longer ce ridicule
de changer de timbre tous les dix-huit mois. Cela jette une perturbation dans
les esprits. On ne sait plus, en recevant une lettre,
si elle vient de France ou de l'étranger, si elle représente sa vignette la
France, le Brésil, le Venezuela ou San Marino. Cette incertitude est un peu pénible.
Cet embrouillement brouille nos timbres, comme disaient nos pères, et à force
de se sentir le timbre brouillé par les timbres-poste, la population finirait
par croire que l'Administration a, elle-même, le timbre un peu fêlé.
Ailleurs ce même L. Demoulin explique: « Le ministre a vu les épreuves du timbre et veut que les fleurs de lys figurant sur l'étendard disparaissent. (...) Le ministre est très ennuyé d'un mécontentement qu'il aurait constaté dans certains milieux politiques d'extrême gauche où l'on considère la glorification de Jeanne d'Arc comme une manifestation cléricale, et l'on craint que les critiques redoublent si on laisse substituer des fleurs de lys, attributs de la royauté.» (cité par l'écho de la Timbrologie fév. 1990). Relevé dans Philatélia n°4 de mars 1929. « Je suis bien content de lire sous la plume de Bernard Gervaise, l'éreintement justifié de la vignette absurde que notre belle administration vient de sortir : Il existe en France 2 catégories de tirnbres-poste, correspondant à 2 conceptions opposées de la philatélie. Nous avons le timbre permanent, représentant une dame occupée en toute saison à semer du grain dans son champ. Et puis nous avons le timbre-actualité, dont l'effigie varie au hasard des faits qu'il s'agit de signaler à l'attention du monde: Exposition des Arts Décoratifs, centenaire de Pasteur, tricentenaire de Ronsard etc. A l'occasion des fêtes de notre héroïne nationale, l'administration des PTT vient de nous donner le timbre Jeanne d'Arc. J'ai sous les yeux un exemplaire de ce timbre. Si vous voulez savoir comment il est je vous dirai qu'il est bleu. -Mais encore? demanderez vous. C'est tout! Il est bleu. J'ai beau regarder le petit rectangle dentelé, je n 'y vois que du bleu. Les personnes bien informées prétendent pourtant qu'au moyen de ce bleu le graveur a voulu figurer la Pucelle à cheval, son étendard à la main. Je ne dis pas non mais il me semble que cette intention eût été beaucoup plus claire si l'artiste avait eu la bonne idée de l'écrire sous son dessin. Maintenant, sans doute, sommes-nous en présence d'une troisième variété de timbres-poste, le timbre devinette, dont le principe serait inspiré des vieilles assiettes à dessert que l' on trouve encore chez les bistrots de banlieue. Sur celles ci on aperçoit un dessin accompagné d’une question: Le chasseur et son chien! Cherchez le chien! Sur le timbre Jeanne d'Arc, il s'agit de chercher la Pucelle. Ne vous découragez pas, cherchez, c'est difficile, mais ça doit pouvoir se trouver. » «France: Le timbre Jeanne d'Arc est paru ; comme il fallait s'y attendre, c'est une petite horreur, vilain dessin pauvre gravure, impression mauvaise mais que font donc les ministres, ils ne regardent donc jamais les timbres-poste. » Dans l'Echo de la Timbrologie du 15 mars 1929 on peut lire: « Peut-on rêver rien de plus laid que cette horrible vignette, sinon l'encre bleue sale dont on s'est servi pour l'imprimer. » Lectures philatéliques n° 1 de novembre 1928 « A la suite d'une campagne entreprise par le Collectionneur de Timbres- Poste, (en vue d'obtenir que le gouvernement français commémorât par une série de timbres spéciaux le 5ème centenaire du début de la merveilleuse épopée de Jeanne d'Arc, le ministre des P. T. T., M. Chéron, avait décidé qui à l'occasion du 500ème anniversaire de la délivrance d'Orléans (avril -mai 1429), le timbre en cours de 50 c. serait, pendant six mois, remplacé par une vignette à l'effigie de Jeanne d'Arc . Certes, nous aurions préféré, comme notre confrère, une série complète qui aurait pu être conçue dans le genre de celle émise, eu 1893, aux États-Unis, il l'occasion du 4e centenaire de la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb et qui aurait enrichi notre collection de France d'une page magnifique. Mais il ne faut pas être trop exigeants et nous aurions su nous contenter de ce qu'on nous avait promis. Malheureusement les beautés de la politique nous ont valu un changement de ministère et. à l'heure où nous écrivons ces lignes, ignorant encore les intentions du successeur de M. Chéron nous avons tout lieu de craindre que l’émission commémorative de Jeanne d'Arc ne soit remise en question. Nous faisons des vœux pour que, d' ici au mois d'août. 1929, les intrigues des politiciens de bas étage n'aient pas bouleversé notre pays, au point de lui faire perdre toute notion d'honneur et tout sentiment de gratitude à l'égard de nos gloires nationales les plus pures. »n° 2 de janvier 1929
La Circulaire Philatélique n° 197 de janvier 1929 FRANCE. « Les hautes personnalités de la politique, des lettres et des arts qui forment le Comité des Fêtes commémoratives de Jeanne d'Arc se sont mises d'accord pour proposer l'émission d'une série de timbres-poste, dont les sujets formeraient comme une galerie de tableaux, représentant les épisodes historiques. les plus notables de la vie de la jeune héroïne française, canonisée récemment. Comme on pouvait s'y attendre de la part d'un comité composé de sommités de la pensée française, les sujets proposés ont été choisis de façon magistrale pour résumer sur les 15 timbres-poste de la série (de 5 c. à 20 fr.), toute l'histoire de Jeanne, du jour de sa naissance à sa mort sur le bûcher inclusivement. Alors que le territoire de la France se trouvait presque en entier occupé et ravagé par les Anglais, l'idée que la France serait sauvée par une femme gagnait la pensée des Français et leur mettait l'espoir au cœur.. .. Dans la nuit du 6 janvier 1412 les coqs chantèrent de façon extraordinaire à Domremi, et Darc (sic) Jeanne (fille dudit et d'Isabeau Romée), naquit ... C'est ce que le sujet projeté pour orner le premier timbre de la série symbolisera par une vue de la maison natale, avec le Coq Gaulois annonçant la naissance de Jeanne. Le deuxième timbre (10 c.) représentera Jeanne d'Arc devant le sire de Baudricourt, gouverneur de Vaucouleurs, de qui Jeanne sut vaincre le mauvais vouloir, au point de le décider à écrire à la cour pour demander des instructions. Et les treize autres sujets se détaillent comme suit : 15 c. Jeanne révèle au Dauphin le secret de sa légitimité. C'est au cours d'un entretien mystérieux entre le roi et Jeanne, que Charles VII aurait reçu de la Pucelle des signes certains de sa mission. 20 c Jeanne quitte Poitiers, armée d'une lance, devant le duc d'Alençon; Le jeune duc d'Alençon était un des partisans les plus convaincus de la mission divine de Jeanne, de qui semblait émaner une vertu secrète qui éloignait toute mauvaise pensée de l'esprit des hommes d'armes de son entourage. 25 c. Jeanne est blessée à la prise des Tournelles. Toute la garnison anglaise périt ou fut faite prisonnière; et c'est l'élite de leur chevalerie que les Anglais perdirent. Jeanne avait été frappée d'un carreau d'arbalète « au-dessus du sein, entre le gorgerin et la cuirasse» : blessure légère puisque Jeanne put remonter à cheval et entraîner les Français au combat. 40 c. La foule se presse autour de Jeanne à Loches. 50 c. Le sacre à Reims. 75 c. Jeanne blessée sous Paris. 90 c. Jeanne dépose son harnoys à Saint-Denis 1 F Jeanne devant Saint-Pierre le Moustiers. 1 F .50 Jeanne siqne sa lettre aux Rémois. 2 F Capture de Jeanne à Compiègne, 5 F Jeanne s'enfuit de Beaurevoir 10 F Jeanne devant ses juges 20 F Jeanne sur le bûcher. »
Cet article fait curieusement allusion à une série complète sur Jeanne d’arc, alors que les modalités et les résultats du concours sont déjà connus (voir document n° 2) . Dans l’Écho de la Timbrologie du 31 mars Jean Clavel écrivait :
« Le 25 février dernier, paraissait dans la petite ville de Vincennes dans l’état de l’Indiana aux Etats Unis, et quelques jours après dans tous les bureaux de poste de l’Union, le magnifique timbre de 2 cents, cadre carmin et centre noir, commémoratif de la victoire du Fort Sackville par George Rogers Clark sur le gouverneur anglais Hamilton ; événement qui ne dit pas grand chose au français moyen, mais qui est par contre, pour tout américain d’origine un peu ancienne, plein de signification. Ce timbre de faible valeur faciale, équivalente à 0.50 F de notre monnaie, en dehors de sa signification historique et patriotique, est plein d’enseignements pour nous autres, philatélistes français. Sa grande beauté, sa technique impeccable et son exécution hors ligne, si le compare à notre commémoratif à nous, d’une valeur faciale équivalente, mais d’une importance historique bien plus grande, ne peuvent que nous faire rougir. Le timbre de Jeanne d’Arc, paru au début du mois a été pour nous tous une stupéfaction ; est il possible vraiment de faire quelque chose d’aussi laid, d’aussi mal et pour tout dire d’aussi stupide ? La France n’est-elle pas le pays des artistes, de l’art et du bon goût ? Faudra t-il qu’elle aille recruter ses dessinateurs, les auteurs de ses futures vignettes, parmi les jeunes élèves d’un obscur cours complémentaire ? Il n’est pas possible qu’un homme du métier, et qui se dit artiste, ait pu signer une telle horreur. On ne sait que penser de tous ceux qui, de près ou de loin, ont collaboré à une telle production ou l’ont encouragée et acceptée. S’ils appellent cela de l’art, ils ne sont pas vraiment difficiles ; ils sont dans ce cas les seuls de cet avis. Si
j’ai parlé du timbre de Rogers Clark c’est
parce qu’il a paru presque en même temps que le timbre de Jeanne
d’Arc et que son exécution, bien plus difficile que la nôtre, a pris
moins de temps que la notre précieuse
administration n’en a mis pour faire la vignette innommable dont elle
vient de nous doter. Savez vous où le gouvernement des États Unis a pris le sujet de son
timbre ? .../... Là bas
il n’y a pas de concours, pas de combinaisons, ils n’ont pas le culte de
l’intrigue ou de la paperasserie, leur seul culte est celui de la compétence.
Tandis que chez nous c’est de plus en plus la République des camarades
qui règne ; celui qui dans les sphères officielles courbe le plus
l’échine, décroche la timbale ; on s’occupe d’abord de ses
opinions, de son apparentage et de ses amitiés, quant à sa compétence,
c’est tout à fait accessoire. .../... Je me demande ce qu’ont du penser
ces deux grands lorrains le Général Lyautey et R Poincaré, lorsqu’ils
ont vu pour la première fois comment la Douce Lorraine était représentée. On a pu remarquer sur le timbre primé qui a servi de modèle au timbre que la bannière était fleurdelisée. Cela ne rehaussait nullement la platitude de l’ensemble, mais les barbares, les sectaires qu’anime encore l’esprit périmé de 1900, ont trouvé que ces fleurs de lys étaient de trop, ils sont passés par là et ont obtenu leur suppression : ce qui fait que la bannière a maintenant un air de drapeau rouge. .../... Que disent de cela, de cet affreux timbre, tous ceux qui préconisaient une série complète commémorative de Jeanne d’Arc ? Ont-ils toujours les mêmes idées ? Cette seule horreur devrait maintenant leur suffire. »
Quelques pages plus loin : « Donnant dernièrement son avis préalable à l’émission le timbre Jeanne d’Arc, le Stamp Collector’ Fornightly disait que ce timbre devant être émis dans les mêmes conditions que les timbres courants de France, il ne fallait pas s’attendre à une œuvre faisant honneur tant à la pucelle qu’à l’art français. Peut être bien ... Le journal anglais semble regretter que ce timbre ne soit pas émis sous la forme d’un commémoratif n’ayant pas pouvoir d’affranchissement. Un timbre Jeanne d’Arc, dit-il, d’une belle facture artistique et bien lancé, obtiendrait un succès mondial énorme, similaire à celui des commémoratifs Harding aux Etats Unis, dont 1 600 000 000 exemplaires ont été enlevés en peu de temps. A un franc pièce ces timbres représenteraient pour le trésor français un profit plus important que celui des vignettes Caisse d’Amortissement, car on en achèterait des quantités énormes comme souvenirs, sans que la Poste soit tenue à aucune obligation. L’appréciation de notre confrère ressemble fort à une critique de nos émissions ordinaires et l’administration ferait bien d’en prendre bonne note. »
« De plusieurs côtés on nous demande d’appuyer la campagne qui se dessine pour que la France soit dotée d’un timbre à l’effigie du maréchal Foch. .../... mais serait ce honorer sa mémoire que de confier au boulevard Brune le soin de reproduire ses traits ? Le récent exemple de Jeanne d’Arc nous fait craindre le contraire. » L’Echangiste Universel du 15 mars 1929 (p 223) FRANCE.
-- Le fameux timbre de Jeanne d’arc est paru. En première
page, en quelques mots, nous disons tout le «bien» que nous en pensons. Nous
nous réservons d'ailleurs le droit de revenir là-dessus et d’une manière générale,
sur tous les timbres français, qu'ils soient métropolitains ou coloniaux. Les
collectionneurs sont las de toutes ces productions «officielles» qui n'ont
pour elles ni l'art, ni le bon sens. Et dire que le fameux Comité .a été
satisfait !- Nous voulons croire qu'il y a eu truquage. Que seront les
autres Jeanne d'Arc annoncés? Aujourd'hui
la vierge d'Orléans en paysanne se fige sur un coursier de bataille. Un étendard
anonyme l'auréole. Demain, n'en doutons pas, pour compléter le timbre nous
verrons dans un autre le porteur de l'étendard et dans un coin la queue du
palefroi et ainsi de suite... chaque sujet annoncera le suivant. Nous
donnerons dans notre prochain numéro un article de M. Angel Michaut, membre des
Artistes Français, qui sous le titre Pauvre Jehanne !! parlera
du timbre au point de vue conception artistique. Que chacun
consulte sa collection et nous dise quel pays est capable de produire d'aussi
vilaines vignettes que le nôtre! Nous voudrions, révoltés par cette dernière
émission, que tous les Philatélistes unanimement élèvent leurs
protestations, les unissent. Nous sommes bafoués. Défendons-nous ! Défendons
l'Art du timbre. La France a des graveurs de talent
susceptibles de tailler des gravures fines et riches. Jeanne d'Arc 1929
semble taillée sur bois grossièrement par un quelconque ferrailleur. Philatélistes,
défendons-nous. Dans notre prochain
numéro nous vous soumettrons le projet d'un ordre- du jour que toutes les sociétés
devront voter et que nous transmettons
aux pouvoirs publics ! Que chacun de vous-adhère à notre mouvement! sinon
la prochaine émission de 'timbres français sera confiée au plus obscur des
obscurs agents électoraux et
pourrait très bien représenter un
pot de vin ou une poire !! Et
malgré tout Jeanne d'Arc a connu un gros succès. Le- 12 au soir les recettes
de certaines grandes villes ne possédaient plus une seule vignette à
part les coins millésimés que les agents des guichets cachaient avec amour
dans des classeurs goussets en cuir de Russie. N’est-ce
pas après tout, pourquoi faire mieux? Pour avoir seulement quelques soucis et
quelques dépenses supplémentaires ? Pourquoi-? Puisque tout ce que l'on nous
donne en pâture s'enlève et se digère toujours.
LIBRE PENSEUR 30 juin 1929
LE MESSAGER Philatélique 25 décembre 1928
Le Pêle Mêle 7 avril 1929
Articles parus dans la « Quinzaine
philatélique ». n°
46 - 15 mars 1929 Jeanne
d'Arc. Vous lirez dans Phil'argus ce que j'en pense. Les profanes eux-mêmes les
trouvent laids il y a de quoi... regretter la Semeuse. Il ne manque plus qu’on
carnétise la Sainte avec des réclames pharmaceutiques ;
Jeannedarcisez-vous I Et avec ça un centrage déplorable. On connait les coins
dates 15-2-29 ; 16-2-29 et 20-2-29. Il serait curieux de savoir le premier jour
de fabrication. n°
49 - 5 mai 1929 France
!!! Cesse
tes insultes ou « Jehanne, la Valkyrie en excursion » Un
tollé général, comme chacun sait accueillit mi-mars l'espèce d'étiquette
qui prétend représenter sainte Jeanne d'Arc. Les plaisantins demandèrent s'il
s'agissait d'une guerrière, ou d'un capucin en tournée paisible, ils auraient
désiré quelques explications de la gravure trouvant Illisible les signes qui
encadrent la légende Orléans. Emue,
l'Administration décida de carnétiser l’héroïne, ce qui permit d'ajouter
quelques légendes plus visibles sur les marges. Ce ne fut d'abord qu'un tâtonnement
et les trois premiers, carnets ne firent qu’ajouter à notre perplexité :
Est-ce la cavalière qui Illustre les textes, ou bien les textes qui
accompagnent la cavalière ? Voici tout un lot d'enveloppes timbrées ;
lisons et jugeons : Phosphatine
Falières, Anémiés, Convalescents : bleu sur blanc ; image de
convalescente anémiée faisant un tour de chevaux de bois. Saucisson
de Mireille : Saucisson de cheval sans doute ! Bénédictins
de Soulac : En tournée
d'inspection. Touring-club
de France : Mlle Dorange, Paris-Cannes. Le
vin est un aliment : Anémiques, buvez du vin. Bussang,
cure de l’anémie. Image plagiaire de la Phosphatine Falières. Une
mise au point était attendue. L'âme du Coq (gaulois, sans doute) vient de
s'éveiller et la paire verticale de Pubs qui vient de paraître, dont croquis
ci-après, permettra enfin au monde angoissé d'admirer la façon magistrale
dont nous savons honorer notre héroïne. Réjouissons-nous !!!
Après
JEANNE D'ARC. Le GRAND FOCH ne sera pas oublié. L’impartial oranais
9 novembre 1929
N°
96-97 Mars-Avril 7929 LE BULLETIN DES PHILATÉLISTES Édité
par la Maison M. POULOT (Léon POUILLET, Directeur) 18,
AVENUE DE L'OPERA. PARIS ÉDITORIAL
Les
émouvantes cérémonies qui se déroulent depuis le 23 février, dans toutes
les localités où l’on a placé des jalons pour rappeler la fervente chevauchée
de notre glorieuse Jeanne d'Arc, ne peuvent laisser indifférent aucun français
digne de ce nom. Nous
sommes heureux de constater que le gouvernement s'est associé à ces
manifestations en nous promettant un timbre à l'effigie de Jeanne d’Arc, dont
l’émission ne saurait tarder. Le
projet adopte à la suite d’un concours nous montre une Jeanne d'Arc à
cheval, dans le costume qu'elle avait à son départ de Vaucouleurs et que le Père
Doncoeur nous décrit ainsi : Elle
porte le pourpoint noir, à la ceinture une épée, un chaperon noir découpé,
une robe courte aux genoux, de gros gris-noir, des chausses avec des housseaux,
des souliers lacés et des éperons. Elle
marche silencieuse, éblouie, plongée dans sa prière, et l'artiste éminent
qui a exécuté le dessin, M. Gabriel Barlangue, a parfaitement rendu
l'expression d’une figure idéale. Par
exemple nous nous demandons ce que deviendra ce dessin — réduits aux
dimensions d’un timbre-poste ordinaire lorsqu’il aura passé par le
boulevard Brune. Pourvu qu'il ne ressemble pas à celui du timbre Ronsard ni aux
autres horreurs tant coloniales que françaises, dont on n’a pas honte de nous
gratifier depuis plusieurs années (1). Nous
ne comprenons pas non plus pourquoi on prétend s'en tenir à la seule valeur de
50 centimes et pourquoi l’on ne crée pas, au même type, le timbre de 1fr50
pour les lettres à destination de l'étranger. Et
enfin, nous avons une objection de principe à présenter au sujet de l'émission
du timbre projeté. Il
est hors de doute que les émissions commémoratives - dont abusent presque tous
les pays- causent un profond mécontentement chez les philatélistes sérieux et
menacent de porter un coup fatal à la philatélie. Or
le timbre que l’on va émettre appartiendra, d’après les communiqués
officiels, à cette catégorie, puisqu'il ne devra être employé que pendant
six mois. Nous
savons bien que si, jusqu'à ce jour, les gouvernements s'étaient contentés de
célébrer ainsi - et par des émissions modestes - quelque personnage hors de
pair ou quelque événement capital, toute critique à ce sujet serait déplacée.
Tel serait bien le cas pour notre émission de Jeanne d'Arc, que personne ne
s'aviserait d'assimiler à la commémoration, par exemple, du centenaire de la
culture du café au Brésil, d'un Congrès quelconque en Egypte, de
l'inauguration d'une nouvelle ligne de chemin de fer en Equateur, ou encore aux
émissions annuelles du Portugal, aux émissions intensives de l'Espagne. Il
n'en est pas moins vrai que ce serait aussi une émission commémorative et les
étrangers, dont nous critiquons la manière de faire, auraient beau jeu pour
nous « retourner la balle ». Il
y aurait un moyen bien simple de concilier notre désir de voir figurer sur un -
ou plusieurs - de nos timbres l'effigie de Jeanne d'Arc avec le souci de ne pas
accroître le flot des émissions commémoratives. Il
suffirait, pour cela, de se décider enfin à abandonner notre Semeuse de 1903
et de créer une nouvelle série – permanente - dont les valeurs de 50 cent.
et de 1 fr. 50 (taxes des lettres pour la France et pour l'étranger), seraient
au type du timbre projeté. Pour
ne mécontenter personne, cette nouvelle série pourrait être ainsi composée :
Petites
valeurs (1 à 5 centimes). Un Mercure quelconque. Timbres
de 50 cent. et 1 fr. 50 : Effigie de Jeanne d'Arc. Pour
les autres valeurs, jusqu'au 1 franc : 1°
Une effigie de la Liberté, dans le genre de celle de 1849 (et pourquoi pas la même
?) 2°
L'effigie de notre illustre Pasteur ; 3°Un
sujet allégorique, pour lequel on n'aurait que l'embarras du choix. Pour
les valeurs de 2 fr., 3 fr., 5 fr., 10 fr. et 20 fr., on n'aurait qu'à utiliser
les dessins - adoptés déjà en principe - de MM. Cheffer, Bivel et Vérecque
(le Port de la Rochelle, le Mont St-Michel, la Cathédrale de Reims, l'Arc de
Triomphe de l'Etoile et le Pont du Gard). Nous
aurions ainsi, sans beaucoup de frais, une série magnifique et bien française.
Nous
transmettons cette idée à Monsieur Qui-de-droit, mais sans nous illusionner
outre mesure sur l'accueil qui lui sera fait. (1)
Ces lignes ont été écrites avant l'apparition du timbre de Jeanne d'Arc.
Elles étaient malheureusement prophétiques et nous ne pouvons que déplorer le
mauvais goût et le j’menfichisme des ateliers du boulevard Brune.
Pour compléter vos collections
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