14ème numéro de « Multicollection » où nous faisons un focus sur une collection particulière, avec son nom quelquefois bizarre, sa description, ses principes de classement ou de référencement, quelques chiffres et liens utiles, … Bien entendu, tous vos commentaires sont les bienvenus, que ce soit pour nous dire que vous êtes un fervent adepte de la collection présentée, ou pour nous donner des compléments d’information : à vos plumes ! (cliquer sur les images pour les agrandir)
Molubdotémophilie
Vous ne voyez pas de quoi je veux parler ? Pourtant vous en avez tous tenu en main, du moins à une certaine époque de votre vie. Vous ne trouvez pas ? Je vois à votre mine que c’est difficile … Non, ne vous taillez pas tout de suite : je vous donne la réponse !
Quoi ? la Molubdotémophilie n’est pas une maladie (en tout cas pas plus que les autres collections 😉 !), c’est l’art de collectionner … les taille-crayons ! Allez, un peu d’étymologie car cela ne saute pas aux yeux : le terme vient du grec molubdos (mine de plomb servant à l’écriture) et temo (taille des arbres et du bois). Bon, ça va mieux maintenant, on a meilleure mine 😉 et une nouvelle occasion de briller en société : merci qui ?
Depuis quand ? Autrefois, quand on cassait la mine d’un crayon, on utilisait un couteau ou un canif pour tailler le bois et affûter la mine. Si cette méthode rudimentaire peut encore rendre service à l’occasion, l’invention du taille crayon est venue révolutionner nos habitudes. Le premier brevet pour une machine à tailler les crayons a été déposé par Bernard Lassimone en 1828.
Mais il a fallu attendre en 1847 pour qu’un autre modèle voie le jour. Thierry des Estivaux dépose à Paris un brevet pour un « outil formé d’un tube, d’un cône et muni d’une lame« .
Peu après, l’Allemand Theodor Paul Möbius imagine et commercialise un outil formé d’une tôle affûtée courbée en forme de cône. Tous les deux sont considérés comme les créateurs du taille-crayon manuel que nous connaissons aujourd’hui.
Les premiers tailles-crayons sont fabriqués par Eureka Company dans les années 1860. C’est dans la seconde moitié du XIXe siècle que s’est développée la production de masse de crayons et de taille-crayons manuels. Ceux-ci étaient alors fabriqués dans les usines d’objets métalliques, en fer, en étain, en laiton ou en cuivre fondu. Parallèlement, de nombreux brevets déposés un peu partout dans le monde entre 1850 et 1900 concernent les taille-crayons mécaniques, généralement équipés d’une manivelle.
A partir du XXe siècle, le taille crayon devient un accessoire courant, dans les trousses des écoliers comme dans les bureaux. Les alliages les plus divers sont utilisés, avant que l’aluminium et le plastique ne s’imposent. On voit même arriver en Europe des modèles de forme orientale en provenance du Japon !
Qui ? Aujourd’hui je vous présente Laurent, LE collectionneur français de taille-crayons, et même si j’exagère un peu, je n’en ai guère trouvé que quelques autres sur la sphère Internet …
Entre deux gorgées de café, Laurent raconte comment tout a commencé, à l’âge de 11 ans. « A l’époque, avoir un beau taille-crayon était un signe de richesse. Le mien était basique et je jalousais un camarade de classe qui crânait avec le sien, en forme de malle aux trésors. J’ai donc demandé à mon frère jumeau, Philippe, de lui piquer pour le calmer! », avoue-t-il.
Depuis, et au fil des ans, il a accumulé religieusement les taille-crayons et se targue d’en posséder plus de 3000. « Je les connais tous par coeur ». Le plus original ? Une araignée dont les poils servent de porte-crayon, les yeux de gomme, tandis que la bouche accueille la lame tranchante. Toutes ses trouvailles sont regroupées par matériaux et par thèmes. Des monuments en étain aux fruits en plastique, en passant par les animaux en bois, chaque objet a une histoire. « Mon but n’est pas de figurer dans le livre des records », affirme Laurent, « mais de faire de belles rencontres autour du taille-crayon, comme avec une classe d’enfants ou des personnes âgées à qui j’ai montré ma collection ».
« Pas une journée ne passe sans que je ne pense taille-crayons »,souligne Laurent. Chercheur inlassable, il explore papeteries et sites internet dès qu’il le peut. « En voyage, je ne m’intéresse pas aux photos mais aux taille-crayons! », s’exclame-t-il. Lors d’un séjour en Egypte, il s’est même rendu à 3h du matin dans un souk pour tenter d’en récupérer cinq qu’il avait vus auparavant dans une vitrine.
En couple avec Laurent depuis 18 ans, son amie, qui collectionne des films en noir et blanc des années 1950, comprend sa passion. « Quand il trouve une pièce qu’il n’a pas on dirait un gamin de 7 ans devant une boite de Playmobil ». Laurent a tout planifié. « J’ai fait un testament chez le notaire pour qu’ils soient confiés à un musée après ma mort ». Lequel les trouvera en parfait état : Laurent a la particularité de ne jamais se servir de ses taille-crayons ! (extraits de l’interview d’Amandine)
Combien ? Si l’objet en lui-même est (était ?) des plus courants, la collection de taille-crayons est très confidentielle, et Laurent lui-même m’a confié qu’il connaissait seulement environ une dizaine de molubdotémophiles fous comme lui dans le Monde !
Comment ? Depuis que le taille crayon s’est imposé dans les trousses des écoliers, les fabricants s’en sont donné à cœur joie et ont fait de cet accessoire de bureau un objet ludique et plein de fantaisie.
Aujourd’hui, le taille-crayon manuel existe toujours, mais il côtoie des modèles à manivelle, dotés ou non d’un réservoir pour les copeaux, des modèles plus exotiques (voir ci-dessous) et même des modèles électriques actionnés par un petit moteur.
Au cours de leur histoire, les taille-crayons ont même servi de support publicitaire. On comprend mieux dès lors pourquoi cet objet en apparence ordinaire suscite la convoitise des molubdotémophiles.
Du fait de sa confidentialité, la molubdotémophilie ne dispose pas de catalogue recensant les divers taille-crayons, et il est encore moins question de cote. Le classement s’effectue par séries, par origine, par type (laiton, alu, bois, plastique, …), et la vitrine reste le meilleur support pour leur présentation.
En savoir + ?
– le site très documenté de Laurent : lolomolubdo
– le reportage sur sa fabuleuse collection
– l’article humoristique de France Culture sur l’invention du taille-crayon
– le Musée du Taille-Crayon avec de nombreuses antiquités et sa galerie des imposteurs ! (en anglais)
– une collection de taille-crayons Play-Me
– un fabriquant de taille-crayons en métal
Hier, des internautes de France bien sûr, mais aussi d’Algérie, Allemagne, Argentine, Belgique, Espagne, États-Unis, Grèce, Italie, Macédoine, Martinique, Suisse et Ukraine, ont visité le site PHILAPOSTEL Bretagne : bienvenue à eux !
Bravo pour ce bel article en hommage à ma collection….. je suis extrêmement touché.
Lorent
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