1914-18 : quatre ans d’une guerre qui a ébranlé l’Europe. Quatre ans, également, pendant lesquels les soldats mobilisés ont écrit des millions de courriers à leurs proches. Certaines de ces lettres et cartes sont parvenues jusqu’à nous : elles constituent autant de témoignages passionnants sur les événements.
Nous indiquions en conclusion dans notre dernier article sur le sujet que « le plus émouvant reste peut-être de trouver une lettre retournée à l’expéditeur avec la mention “Le destinataire n’a pu être atteint”… ce qui signifie invariablement que celui-ci a été tué à l’ennemi. » En voici un exemple fourni par notre ami Robert Fontaine (voir son site) :
Pourquoi le courrier était retourné à l’expéditeur le plus souvent avec sur l’enveloppe ou la carte postale un tampon « adapté » ?
« Je commence à m’ennuyer de ne rien recevoir. Donne-moi de tes nouvelles. Ce matin, j’ai été trouver Mme …. pour voir si elle avait reçu quelque chose. Elle pas plus. Nous sommes dans l’inquiétude. Lili est revenu, va à l’école, il a monté d’une classe. Dis-moi s’il faut t’envoyer un tricot en jersey ou autre chose. J’attends vite un mot. Que c’est long cette maudite guerre. Nous sommes tous en bonne santé, mais toi tu nous inquiètes. Jean-Marie va probablement repartir. Mme Houël est comme moi, ne reçoit rien, tu nous vois quelle tête on fait. Au revoir, bonne santé, vite des nouvelles. Nous t’embrassons bien fort de loin. » Tel est le texte de cette carte adressée à un soldat par un de ses proches, son épouse probablement.
Replaçons-nous dans le contexte de l’époque : Dès le début des combats meurtriers, un grand nombre de lettres restait en souffrance, il était nécessaire d’apurer cette situation.
Le ministère des Postes prit l’initiative, en prescrivant la méthode, par sa circulaire du 6
décembre 1914, sur toutes les opérations et tous les cachets de ce service. Un inspecteur des Postes et deux commis furent chargés de diriger et d’aider les vaguemestres de la garnison, dans cette tâche, pendant les dix jours qui suivirent l’envoi de la circulaire.
Toutes les lettres durent être retournées, les unes sans délai, les autres après un délai moral de 1 mois. Beaucoup revenaient directement à l’expéditeur, d’autres filèrent sur les Rebuts départementaux, d’aucunes étaient dirigées sur les Rebuts de Paris.
Pour le plus grand nombre, il était prescrit au vaguemestre du dépôt d’effacer soigneusement, ou de gratter, ou de rendre illisibles par tout autre moyen, les indications trop précises et souvent trop douloureuses, portées sur le pli par le vaguemestre du front. De là vient qu’une multitude de lettres paraissaient passer au caviar, ou rasées jusqu’à la trame, ou nettoyées avec une gomme impitoyable. Souvent aussi grattage, ratures, badigeonnages sont appuyés d’une griffe administrative d’un de ces types :
LE DESTINATAIRE N’A PU ÊTRE ATTEINT EN TEMPS UTILE
LE DESTINATAIRE N’A PU ÊTRE ATTEINT EN TEMPS VOULU
LE DESTINATAIRE N’A PU ÊTRE JOINT EN TEMPS VOULU
C’est ce deuxième libellé que nous pouvons voir (difficilement) sur cette carte (flèche rouge, en dessous du nom du destinataire), ainsi que d’autres mentions, apposées par le service des Armées ou le vaguemestre, comme :
- « voir au dos / Disparu » en haut à droite, en rouge
- « Blessé / évacué« , efficacement effacée et signée du Sergent Perron
- « Retour à l’envoyeur » avec l’adresse de l’expéditeur entourée et celle du destinataire … barrée
On imagine l’angoisse de l’expéditeur recevant en retour cette carte … sans savoir vraiment de quoi il en retourne …
Je hais la guerre comme seul peut le faire un soldat qui l’a vécue (Dwight Eisenhower)
J’aimeJ’aime