Claire Bretécher, qu’on peut considérer comme la première femme à s’être fait un nom dans la bande dessinée en France, est décédée le 10 février 2020, à l’âge de 79 ans. Pour les gens de ma génération, qui ont connu l’émission de télévision « Du tac au tac », dans les années 70, nous nous rappelons tous l’image de cette jeune femme blonde, aux yeux magiques, la seule dans cet univers d’hommes, au cours de cette émission où les auteurs de BD, le samedi soir, s’affrontaient à coup de dessins sur des « paper board » (comme on dit aujourd’hui). Elle aura également laissé sa petite empreinte en philatélie.
Née à Nantes en 1940, elle avait démarré dans les hebdomadaires pour la jeunesse des années 60 : Record, Tintin et Spirou. Je me souviens de sa série « Les Naufragés », scénarisée par le grand Raoul Cauvin, qui n’avait pas encore été rendu célèbre par ses « Tuniques Bleues » ou « Cédric ». Le dessin me semblait un peu bâclé et pas très séduisant, mais c’était son style, bien particulier. Puis elle a rejoint le journal « Pilote », destiné à une clientèle plus adulte, qui était alors sous la direction de l’immense René Goscinny. Il en a découvert, des talents, le bougre ! Il lui a laissé créer ses propres histoires, et ce fut la naissance de son personnage « Cellulite ». Elle participe ensuite à la création du journal de BD pour adultes « L’Echo des Savanes », puis va se diriger vers la presse généraliste, travaillant avec « Le Nouvel Observateur » : elle y publie une page hebdomadaire de BD sur l’actualité, et elle y crée « Les Frustrés », où elle se moque des comportements « bobo ».
Elle reçoit le prix du scénario au festival d’Angoulême dès 1976, puis sera lauréate du « Prix spécial 10 ans » de ce même festival. A ce titre, elle réalise l’un des 12 timbres du carnet « La Communication » paru en 1988 ; c’est d’ailleurs la seule femme de ce carnet, les auteurs des 11 autres timbres sont tous des hommes, et tous ont reçu le « Grand Prix » du festival, ce qu’elle n’a pas eu. (Seulement deux autres femmes ont été primées à Angoulême en plus de 45 ans : Florence Cestac et Rumiko Takahashi !)
Le texte du carnet concernant son timbre indique : « Son humour est sans complaisance pour les intellectuels et les cadres moyens qui contribuent à son succès. Son graphisme épuré ne garde que l’essentiel ; il privilégie les attitudes et affirme les caractères. Citons : Les frustrés – Les mères ».
Claire Bretécher refera parler d’elle en philatélie en 1998 et 2001.
En mars 1998, à l’occasion de la coupe du monde de football en France, La Poste émet une série de cinq enveloppes prêt-à-poster illustrées par des dessins de cinq auteurs spécialisés dans l’humour : Blachon, Wolinski, Binet, Serre, et Bretécher, dont le dessin est intitulé « Halte-garderie ». A nouveau, c’est la seule femme dans un univers d’hommes !
En septembre 2001, pour le passage à l’euro, La Poste édite une série de cinq enveloppes prêt-à-poster illustrées par des dessins de Bretécher, avec le timbre rond « Euro », avec carte assortie, reprenant le visuel de l’enveloppe. Le lot de 5 enveloppes était vendu sous blister de façon indivisible. La Poste fera ensuite un essai de vente par lot de 200 à destination des entreprises de 3 visuels parmi ces 5, mais sans grand succès, semble-t-il (selon le catalogue de l’ACEP*).
Aujourd’hui où on parle tant parité femmes-hommes, elle restera comme une pionnière dans son domaine !
François Mennessiez, PHILAPOSTEL
* édition 2007-2008