Une vaste collection de cartes postales montre différents lieux et personnages de Loudéac (Côtes-d’Armor) au fil du temps.
« On n’arrive pas à en avoir mille », regrette un peu Philippe, qui ne désespère pas pour
autant d’y parvenir un jour.
Avec son père Bernard qui a démarré la collection voilà 30 ans, ces Loudéaciens ont tout de même réuni pas moins de 956 cartes postales illustrant toutes des endroits ou des personnages de la ville de Loudéac – « et de Loudéac seulement » – à toutes les époques, depuis que les cartes postales existent. Ou presque.
Unique en son genre
C’est donc une collection unique en son genre.
La plus ancienne dont ils disposent – et c’est très probablement la plus ancienne de toutes les cartes postales illustrant Loudéac – est bien connue des amateurs : elle montre l’arrivée en gare, en 1896, du président de la République Félix Faure (ci-dessus). Ce président, plus célèbre pour sa mort en épectase que pour son action politique, avait fait une halte de 15 minutes, accueilli par la foule.
Nul doute que, si la carte postale illustrée avait été inventée un peu plus tôt, nous aurions aussi conservé le souvenir visuel de l’empereur Napoléon III, lui aussi passé à Loudéac, en 1858, après une visite à « Napoléonville », comme s’appelait Pontivy, à l’époque.
Une invention qui a fait florès
En fait, « La création officielle de la carte postale date du 1er octobre 1869, par un décret des postes autrichiennes », explique Philippe.
Mais si ce moyen de communication s’est tant développé, d’abord Outre-Rhin, c’est à la « faveur », si l’on ose dire, de la guerre de 1870, à Strasbourg, alors que l’armée prussienne assiégeait la ville. Bismark a autorisé la diffusion de Korrespondentzkarten, cartes de correspondance simples, portant l’estampille de la Croix-Rouge, pour permettre aux civils assiégés de faire passer de brèves nouvelles à l’extérieur.
Le passage de Félix Faure à Loudéac a été photographié le 3 août 1896 et cet événement n’est que de cinq ans postérieur à l’invention de la carte postale telle que nous la connaissons aujourd’hui : illustrée par une photographie au recto. Nous devons cette invention à un certain Dominique Piazza, voyageur de commerce natif de Marseille, qui a eu pour la première fois, en 1891, l’idée de correspondre de cette manière originale avec des amis partis en Amérique.
Son idée a connu un succès mondial fulgurant (dont Piazza n’a d’ailleurs guère profité…). Avec des usages très différents d’un pays à l’autre. « Au Royaume-Uni, par exemple, l’envoi était gratuit. C’est le destinataire qui devait payer le timbre. Ou bien refuser la carte… » explique Bernard.
Les critères de datation
« Il y a eu plusieurs époques. Jusqu’en 1904, on écrivait ce que l’on avait à dire à son correspondant directement sur l’illustration, au recto de la carte postale ». Le verso ne servait qu’à écrire l’adresse. Cela a changé après 1904.
C’est un des nombreux critères utilisés par Philippe pour lui permettre de dater, avec plus ou moins de précision, les cartes postales de sa collection. Les légendes indiquent parfois clairement les dates, comme pour l’arrivée de Félix Faure. « Pour celle-là, qui montre l’inauguration de l’Hôtel de Ville, on sait que c’était le 19 juillet 1903 ». Mais il n’est que rarement possible de dater précisément les prises de vue.
Par recoupements…
Alors, on procède par recoupements.
Outre le format des cartes (avant ou après 1904), il y a bien sûr le tampon de la poste : « Celle-ci, je sais qu’elle date d’entre 1904 et 1915, parce qu’il y a un tampon dessus. »
Si l’image montre des lignes électriques, c’est qu’elle est postérieure à 1908, date de construction de l’usine électrique. « Si vous voyez la poste à cet endroit de la ville, c’est que ça date d’après 1910 : il y avait des halles, à la place, auparavant ». S’il y a un monument aux morts, c’est qu’elle date d’après le 8 octobre 1922 (inauguration). Le foyer municipal ? « au moins 1936 ». Le palais des Congrès ? « Après mars 1982 ». La nouvelle façade de l’hôtel de France ? « 1970 ». La truite place de l’Eglise ? « Entre 1999 et 2013 », etc.
« Je me suis aussi basé sur les types de voitures. explique Philippe. Je sais par exemple que celle-ci date d’après 1965 parce qu’il y a une R 16 dessus… » Celle-là, elle est d’après 1966 : « il y a un coupé 204, là », pointe-t-il. On n’aperçoit que l’arrière de la voiture, mais Philippe est un grand fan de Peugeot. Il en collectionne aussi des miniatures, par milliers !
A la loupe
« Il faut passer du temps à scruter les détails ». Armé d’une loupe, Philippe repère, dans le reflet d’une vitrine, le clocher de l’église Saint-Nicolas. « C’est le seul indice qui permette de situer la scène », et encore, seulement dans l’espace.
« Le Bazar Moderne, Le Cam, le bijoutier Robin… à Loudéac, chacun éditait sa propre collection de cartes postales. Même la boucherie Uzenat qui faisait des cartes promotionnelles, mais on est incapable de les dater. »
Si tout cela reste donc assez approximatif, du moins, les fourchettes de datations sont-elles fiables et permettent de faire un agréable voyage dans le passé de Loudéac.
Source : Actu.fr