Militaire dans l’Armée de l’air, spécialiste des télécommunications, Kevin Duvent occupe pour un an le poste de chef du Bureau communication radio (BCR) à Crozet.
Il en est aussi le gérant postal, une mission plus chronophage qu’il n’y paraît dans des îles peuplée en moyenne d’à peine une trentaine d’habitants.
Alors que le Marion Dufresne, le navire qui ravitaille les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et assure la relève de la Poste, mouille face à la base Alfred Faure, trois sacs de courriers oblitérés attendent sur son bureau de remonter à bord. Outre la correspondance des hivernants – scientifiques, militaires et employés de l’administration des TAAF – et des passagers du Marion Dufresne, ils contiennent des plis timbrés et tamponnés à destination des collectionneurs.
Ces enveloppes ont subi un traitement spécial: avant chaque arrivée sur un district, Crozet, Kerguelen ou Amsterdam, le commandant du Marion Dufresne, et tous les corps de métier présents sur le bateau, apposent leur tampon sur des enveloppes timbrées.
Les plis vont descendre à terre pour être oblitérés, et recevoir encore d’autres tampons, ceux des hivernants, puis remonter à bord pour revenir dans le circuit postal traditionnel. « Le timbre par lui-même n’a pas d’intérêt, c’est ce qu’il y autour qui intéresse: le cachet de la Poste et les tampons », explique Marc Boukebza ancien directeur du service philatélique des TAAF.
C’est ce qu’on appelle la marcophilie: la collection de timbres oblitérés, avec un intérêt plus particulier pour les cachets postaux. Les aficionados envoient parfois au gérant postal des consignes très précises: oblitérer tel jour de l’année, avoir le tampon d’un navire militaire de passage ou encore apposer les tampons des deux médecins ou des deux gérants postaux, le jour de la relève, une fois par an.
« On se prend au jeu »
« Moi, je suis dans la technique, mais on se prend au jeu », raconte Kevin, qui va jusqu’à créer des plis spéciaux liés à des événements sur la base, comme la visite d’un préfet.
Les TAAF sont « une collectivité territoriale où on émet des timbres mais où il n’y a pas de population, donc les timbres ne sont émis que pour les collectionneurs et éventuellement pour les hivernants », qui « s’écrivent à eux-mêmes, parfois des enveloppes vides », assure Marc Boukebza. Certains ont des collections très spécifiques: les enveloppes de toutes les rotations du Marion Dufresne ou alors celles oblitérées à Crozet, Kerguelen ou la Terre-Adélie.
Elles n’ont toutefois « pas de valeur marchande », c’est juste un « souvenir philatélique », car « les collectionneurs, ça les fait rêver ces îles où la majeure partie des gens ne peut pas aller si le préfet ne signe pas d’ordre de mission », ajoute-t-il.
Dès 1908, les premiers plis sont partis des îles Kerguelen. Affranchis de timbres français et oblitérés de la mention « résident de France aux îles Kerguelen », ils valent aujourd’hui une fortune… De 1924 à 1955, les timbres-poste utilisés étaient ceux de Madagascar. Depuis, les TAAF émettent leurs propres timbres avec des tirages de 20.000 exemplaires, quand un tirage moyen en France est de 2 millions. Plus de 1.000 timbres et 8 carnets de voyages ont déjà été émis pour illustrer les îles Australes, les îles Eparses et la terre Adélie. Cette activité génère selon les années de 700.000 à 750.000 euros de chiffre d’affaires, selon la préfecture des Taaf.
Source : LePoint, AFP