… Où l’on jette un pavé dans la mare …
1967. Les organisateurs de la course cycliste Paris-Roubaix confient une mission de la plus haute importance à un certain Jean Stablinski (1). Ce coureur, ancien champion du monde, est chargé de leur dénicher une route… recouverte de pavés.
En effet, ces passages difficiles ont fait la réputation de « l’Enfer du Nord », comme on surnomme cette course depuis sa création en 1896. Les pavés secouent les cyclistes, augmentent les risques de chute et de crevaison si l’on est imprudent.
À l’inverse, ils aident les plus doués à prendre de l’avance. Bref, ils peuvent changer le destin de la course… et rajoutent donc de l’enjeu et du spectacle ! Seulement voilà, dans ces années 1960, les routes pavées disparaissent au profit du goudron.
Mais Jean Stablinski, ancien mineur de la région, a une idée. Quand il allait au travail, il empruntait la Trouée (ou Tranchée) d’Arenberg (2). Cette route de 2,4 km se trouve justement sur des mines abandonnées. Et elle fait parfaitement l’affaire avec ses pavés disjoints.
Le secteur est validé par les organisateurs de la course. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la Trouée fait le travail… En 1968, dès son arrivée sur cette route, le peloton se retrouve secoué par les chutes. Pire : la pluie s’invite, créant une situation si infernale que les abandons s’enchaînent. Seuls vingt coureurs franchissent la ligne d’arrivée à Roubaix !
Stablinski, l’un des finalistes, est d’ailleurs accueilli froidement par ses concurrents. « Je n’ai pas osé me rendre tout de suite dans les douches », raconte-t-il. Il fait toutefois un heureux : le gagnant, Eddy Merckx, qui est le seul à le serrer dans ses bras à l’arrivée.
Depuis cette date, la Trouée d’Arenberg a fait partie de presque toutes les éditions du Paris-Roubaix (3). Malgré les débats sur sa dangerosité, elle reste si mythique que les coureurs viennent des quatre coins du monde pour s’y entraîner !
Merci à André pour tous les documents qui suivent sur cet enfer du Nord ! (cliquer pour agrandir)
(1) : Jean Stablewski, dit Jean Stablinski, né le 21 mai 1932 à Thun-Saint-Amand, dans le Nord, et mort le 22 juillet 2007 à Lille, est un coureur cycliste français d’origine polonaise, qui fit une brillante carrière de 1952 à 1968, remportant au total 106 victoires professionnelles. Elle fut marquée par quatre titres de champion de France sur route (1960, 1962, 1963, 1964), un titre de champion du monde sur route (1962), une victoire au Tour d’Espagne 1958 et lors de classiques dont le Grand Prix de Francfort, Paris-Bruxelles et l’Amstel Gold Race. Il fut un fidèle coéquipier de Jacques Anquetil, dont il fut le capitaine de route.
(2) : La trouée d’Arenberg, ou tranchée de Wallers-Arenberg, de son vrai nom la drève des Boules d’Hérin, est un secteur pavé de la course cycliste Paris-Roubaix d’une longueur d’environ 2 300 m avec une difficulté actuellement classée cinq étoiles soit le niveau le plus difficile. Le 7 avril 2008, une stèle est inaugurée à l’entrée de la tranchée d’Arenberg en hommage à Jean Stablinski, son « découvreur ». Cette stèle est réalisée en pierre de Soignies et élaborée par le sculpteur Michel Karpovitch.
(3) : Paris-Roubaix est l’une des plus anciennes courses cyclistes, créée en 1896 par Théodore Vienne après l’ouverture du nouveau vélodrome de Roubaix. Si les français ont été nombreux à s’y illustrer avant guerre, ils ne sont que sept à l’avoir emporté ensuite : Paul Maye (1945), Jean Forestier (1955), Louison Bobet (1956), Bernard Hinault (1981), Marc Madiot (1985 et 1991), Gilbert Duclos-Lassalle (1992 et 1993), et Frédéric Guesdon (1997). Et si le grand Eddy Merckx a remporté par trois fois l’enfer du Nord, ce sont Roger De Vlaeminck et Tom Boonen qui détiennent le record avec quatre victoires chacun.
Documents : collection personnelle André Rio, Philapostel Bretagne