La Trésorerie aux Armées #2

Notre ami Robert Fontaine (site HistoPhilaBreiz) nous propose une nouvelle étude sur la Trésorerie aux Armées, un service méconnu dans l’histoire. Commencée hier, en voici la suite et la fin.

Si « Trésorerie et Postes aux armées » se présentent comme un seul et même service, celui-ci se compose d’agents relevant de deux ministères civils différents : Finances et Poste, ce qui entraînent quelques rivalités.

C’est ainsi que la Revue des Postes et Télégraphes du 12 juin 1895 présente un portrait peu amène de l’agent du « service Trésor et Postes » : « Le fonctionnaire de la Trésorerie est ce rara avis (4) que l’on aperçoit à la suite d’une division ou d’un corps d’armée, caché au fond d’une voiture ou juché sur un cheval. On ne connaît de ce fonctionnaire ni l’origine ni l’utilité et on le prend toujours pour un militaire étranger ou un groom de bonne maison ?».

Les bureaux payeurs sont déclinés de la façon suivante pour l’armée. Il existe  un bureau pour :

  • Le quartier général
  • Le quartier général de chaque armée
  • Chaque division

La poste aux armées après avoir démontrée ses limites, va subir un gros changement dès novembre 1914, les dépôts et gares de rassemblement sont supprimés et les bureaux payeurs sont remplacés par des secteurs postaux.

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En 1914, la lettre d’un soldat est envoyée au dépôt du corps auquel il est rattaché, après vérification de sa présence, la lettre est distribuée par le corps. Dans le cas contraire, la lettre est envoyée à la gare de rassemblement du corps. elle est ensuite transmise au bureau frontière de l’armée où se trouve le destinataire. Le bureau frontière transmet la lettre au bureau payeur auquel est rattaché le destinataire.

C’est un décret du 11 décembre 1914 qui met en place les secteurs postaux, on reprend d’abord les chiffres des bureaux-payeurs soit 154 et à la fin de la guerre il existe 241 secteurs postaux.

Mais où était donc ce soldat motocycliste du 118e le 27-8-1915 ? Le 118ème R.I., qui doit participer à l’offensive de Champagne, embarque à Crèvecœur, le 18 août, à destination de Vitry-la-Ville. Par étapes (Saint-Jean-sur-Moèvre, Tilloy, Somme-Vesles, camp de la grande route entre Somme-Suippe et Somme-Tourbe), le régiment gagne, dans la nuit du 23 au 24 août, les bivouacs du camp des Coloniaux et monte en ligne le 25 août, dans la région de Perthes et Mesnil-les-Hurlus.

L’auteur de cet article se demande alors : « Est-ce parce que seuls de tous les agents civils qui, en cas de mobilisation, forment un corps spécial, nous ne portons aucun galon sur les manches de notre dolman ? Et alors en dépit de notre épée (absolument semblable à celle des médecins militaires et des différents officiers d’administration de l’armée) nous continuons à n’être que de vulgaires pékins ? »

Pour répondre à ces critiques, une instruction de douze pages est publiée à l’occasion des manœuvres des armées du Centre qui se déroulent du 8 au 9 septembre 1908. Celle-ci dispose qu’ « il est demandé à chaque payeur particulier d’établir des notices individuelles et détaillées sur la tenue, le service et l’aptitude des agents placés sous leurs ordres ainsi qu’un rapport sur les faits, de toute nature, qui paraîtront dignes d’être signalés ainsi que les observations, améliorations que ladite période aurait pu suggérer et, au besoin, des propositions de réforme »…

Première guerre mondiale (1914 – 1918)

L’utilisation intensive des timbres à date des bureaux-payeurs pendant cinquante deux mois amène évidemment leur usure, leur mise hors état de service et leur remplacement.   D’autre part chaque secteur  disposait normalement de plusieurs timbres à date. Donc il est parfaitement normal suivant la date de trouver pour un même numéro de  secteur des timbres à date de conception différente.

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Pendant que nous y sommes, à quel endroit se trouvait le 2e régiment colonial en date du 2-08-1916?  Notre soldat écrit : « je suis au repos ».

( extrait du JMO) Le 29 juillet 1916, le régiment est relevé par le 4e tirailleurs de la D.I.M., et va cantonner à Vaudelicourt. Il y reste jusqu’au 14 août et le 15, il va en lignes au nord-ouest de Dompierre (Somme)  où il occupera le secteur jusqu’au 20 septembre 1916. Le séjour en lignes est pénible et les relèves difficiles ; les hommes sont presque enlisés. L’artillerie bombarde souvent et violemment les tranchées. Nos pertes sont sensibles, mais elles sont plus fortes chez l’ennemi.

Front français

 Dès la déclaration de guerre, M. Schil, directeur des Monnaies et médailles au ministère des Finances, est nommé payeur général auprès des armées de Métropole. Au Ier janvier 1918, le personnel de la Trésorerie aux armées est fort de 1 708 agents dont 754 officiers, et 954 sous-officiers.

Un payeur principal (équivalent au grade de colonel) défraya la chronique, en janvier 1915, pour avoir expédié à Paris, à son amie, des vivres destinés aux soldats. Il fut traduit en Conseil de guerre et condamné à sept ans de réclusion et à la dégradation militaire.

Après avoir introduit un recours déclaré non recevable devant le Conseil de révision (5), au motif qu’il n ‘était ni militaire, ni assimilé à un militaire, le payeur principal et son amie présentent un ultime pourvoi auprès de la Cour de cassation.

Celle-ci le rejette , suivant en cela son procureur général : « le simple bon sens veut voir un militaire dans un homme qui porte un uniforme, cinq galons, touche une solde, distribue de la salle de police et de la prison, se fait appeler « colonel » et entre au Val-de-Grâce à son premier malaise »

La Cour s’appuie sur le fascicule 100b du bulletin officiel du ministère de la Guerre, du 8 décembre 1913, qui indique que « doivent être considérés comme militaires les personnels de la Trésorerie et des Postes aux armées ainsi que tous corps spéciaux dont la formation est autorisée par l’article 8 de la loi du 24 juillet 1873 ».

La décision du conseil de guerre est maintenue et le payeur subit la dégradation militaire.

Paris Midi, dans son édition du lundi 2 août 1915, rend compte de la dégradation subi dans la cour d’honneur de l’Ecole militaire : « arrachage des galons de son képi, de ses manches, des boutons d’uniforme, des écussons du collet, de ruban de la Légion d’honneur, épée tirée du fourreau puis brisée sans oublier le retrait du ceinturon »

Puis avant de regagner le prison de la Santé, où il revêt la casaque de bure et chausse les sabots du réclusionnaire, l’ex-payeur doit défiler devant le front des troupes. Ce qu’il exécute, d’après le journal, « sans forfanterie, comme sans faiblesse »…

Évolution du service

La Trésorerie aux armées s ‘est structurée au cours des siècles, se façonnant aux usages et réglementations d’une comptabilité de plus en plus exigeante.

La séparation des services Trésorerie aux armées et de Poste aux armées, la loi du 31 janvier 1921 et son décret d’application du 5 octobre 1923 sont les textes fondateurs du service d’aujourd’hui…

(4) Rara avis :oiseau rare
(5) Conseil de révision :Tribunal militaire jugeant en appel des décisions du Conseil de guerre. Cette juridiction a été abolie
 

Sources :
– La revue du Trésor ( les mensuels n° 5 de mai 2003 et n°6 de juin 2003) avec l’aimable autorisation du Service Gestion & Finances publiques pour la diffusion dans notre bulletin. Auteur du document d’origine Henri LEGRAND.
Partie philatélique et historique des unités: Robert Fontaine

 

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