Chaque fois que vous rencontrerez ce timbre, regardez-vite ses dents. Ne serait-ce que pour savoir si ce petit citron n’est pas exceptionnellement juteux !
Il ne paye pas de mine et pourtant c’est le plus cher des timbres d’URSS. Imprimé en typo, il n’existe pas en lithographie (donc, pas de confusion possible). Inconnu en non dentelé, il n’a donc pas intéressé les faussaires qui, en le dentelant 14 x 14 1/2 (au lieu de 12), auraient pu être tenté de contrefaire cette authentique rareté.
Avant de vous écrier : « Moi aussi, je l’ai le timbre-type le plus rare d’URSS ! « , tournez donc sept fois votre langue et précipitez vous plutôt sur votre odontomètre, ce petit instrument au nom barbare qui désigne le morceau de carton (ou de plastique) grâce auquel se mesure la dentelure des timbres.
Et écoutez son verdict : il y a fort à parier qu’il vous donnera envie de le vouer aux flammes de l’enfer puisque, presque à coup sûr, il va vous apprendre que le « vôtre » est dentelé 12 au lieu des 14 x 14 1/2 qui en auraient fait une vedette.
Car tout est là : c’est à cette dentelure plus fine que ce petit 15 kopecks ocre d’usage courant doit sa renommée.
Emis en 1923, à peine deux ans après que la « République socialiste fédérative des soviets de Russie « soit devenue « l’Union des Républiques socialistes soviétiques », cette très authentique rareté (en 2000 : 30 000 F à l’état neuf dans le catalogue Yvert et 10 000 DM dans le Michel !) fait partie de la première série de timbres d’usage courant de la toute jeune URSS.
Il représente un paysan qui partage ainsi, avec deux ouvriers et un soldat, la gloire d’affranchir le courrier de l’après-révolution.
Cette série, tour à tour non dentelée pour cause de matériel de perforation inexistant puis dentelée, on l’a vu, soit 12 x 12, soit 14 x 14 1/2, abonde en timbres très ordinaires dont les cotes oscillent entre trois fois rien et quelques cents.
C’est tout juste si, ici ou là, une valeur montre le bout de l’oreille. Et puis, soudain, voici que ce 15 kopecks, mine de rien, s’élève vers le plus haut sommet : la cote record en URSS pour un timbre-type, c’est-à-dire sans variété.
A cela, aucune autre explication que sa grande rareté. Pas de document éclairant le pourquoi de cette dentelure. Même Michel Liphschutz, président de l’Académie de philatélie et grandissime collectionneur de Russie, ne peut donner le chiffre de tirage de ce 15 kopecks. Par contre, c’est lui qui nous a appris le sobriquet familier attribué à ce timbre dans son pays d’origine : Limonka, qui signifie « petit citron », un qualificatif que justifie sa belle couleur.
Source : Timbroscopie