Leur valeur faciale en 1918 était de seulement 24 cents. Ce bloc de quatre timbres a atteint une somme de 1,45 million de dollars, lors d’une vente aux enchères aux États-Unis fin septembre, grâce à une particularité qui en fait sa rareté. Explications.
« Inverted Jenny » : cette appellation est l’une des plus connues des philatélistes du monde entier. Elle désigne une célèbre et rare série de timbres, émise en 1918 aux États-Unis, comportant une erreur d’impression, avec un avion à l’envers. Un bloc de quatre timbres de cette série vient d’être adjugé pour la somme de 1,45 million de dollars (soit 1,32 million d’euros). C’était lors d’une vente aux enchères, à New York, le 27 septembre 2019.
La raison de ce prix exorbitant ? Il n’existait qu’une feuille de 100 exemplaires de ces timbres ayant été diffusés en 1918 aux États-Unis. Il s’agissait même des premiers timbres de poste aérienne émis sur le sol américain. Et si une seule feuille a été imprimée, c’est bien parce que l’avion qui y figure – le Curtiss JN-4, avion militaire américain de la Première Guerre mondiale – est à l’envers… Un bête erreur d’impression, qui en a fait une série de timbres très rare et très convoitée.
Une erreur d’impression qui en a fait sa rareté
D’une valeur faciale de seulement 24 cents, ce timbre au centre inversé est probablement l’erreur la plus célèbre des États-Unis. D’où son nom : « Inverted Jenny », le Jenny renversé.
Son histoire remonte à 1910. À l’époque, l’US Post Office a mené des essais de transport aérien du courrier. Ils aboutissent à l’inauguration d’une ligne régulière le 15 mai 1918. La fabrication du timbre est réalisée dans l’urgence. Elle commence le 4 mai et l’impression a lieu le vendredi 10 mai.
Au cours de celle-ci, trois feuilles mal positionnées au second passage et représentant l’avion à l’envers sont trouvées. Elles auraient dû être détruites, mais certaines ont échappé au pilon pour le plus grand bonheur des collectionneurs…
Quelques jours plus tard, le 14 mai précisément, un dénommé W. T. Robey voit un postier sortir une feuille entière de 100 timbres inversés. Il raconte avoir senti son cœur battre à tout rompre, rapporte le New York Post. L’homme, flairant l’aubaine, s’empresse d’acheter la série.
Robey contacte ensuite plusieurs philatélistes et journalistes au sujet de sa trouvaille et cache la feuille lors de la visite des inspecteurs de la Poste. Rapidement, il vend la feuille à un négociant de Philadelphie, Eugene Klein, pour 15 000 dollars.
Klein la revend immédiatement au colonel H. R. Green pour 20 000 dollars. Sur le conseil de Klein, Green détache des timbres de la feuille pour les revendre au prix fort : un bloc de huit, plusieurs de quatre et le reste à l’unité.
Green en conserve plusieurs, dont un qu’il fait monter en pendentif pour son épouse. Le pendentif de M.M. Green est proposé pour la première fois lors d’une vente aux enchères le 18 mai 2002, mais ne trouve finalement pas preneur.
La presse philatélique rapporte néanmoins qu’une vente privée a été conclue par la suite à un prix inconnu. En octobre 2005, un bloc de quatre Inverted Jennies est cédé au financier William H. Gross pour 2,97 millions de dollars. Ce sont ces timbres qu’un des fils du milliardaire américain vient de vendre aux enchères, contre l’avis de son père…
60 ans après un vol
En 2016 déjà, un des timbres de cette série avait fait parler de lui outre-Atlantique (voir ici). Dérobé à une philatéliste, Ethel B. Stewart McCoy, qui en possédait quatre, lors d’une réunion de collectionneurs à Norfolk (sud-est) en septembre 1955, le précieux rectangle de papier avait disparu jusqu’en avril 2016. La maison d’enchères Spink signala alors aux autorités qu’un particulier souhaitait vendre ce timbre.
Interrogé par le FBI, Keelin O’Neill assura avoir reçu, deux ans plus tôt, cet « Inverted Jenny » de son grand-père, décédé depuis. Informé de la provenance du timbre, il accepta de le remettre aux autorités, qui en avaient fait officiellement don à la bibliothèque américaine de recherche philatélique (APRL).
Parmi les quatre timbres volés à Ethel B. Stewart McCoy, trois ont désormais été retrouvés et confiés à l’APRL, conformément à la volonté de leur propriétaire, décédée en 1980.
9,5 millions de dollars le plus cher au monde
Pour mémoire, le timbre français le plus cher a été vendu 924 000 € lors d’une vente aux enchères en 2003. Il s’agit d’un bloc de 4 timbres à l’effigie de Cérès émis en 1849 et dont le dernier, celui du coin inférieur droit, est imprimé à l’envers à cause d’une erreur d’impression. Ce bloc faisait partie d’un ensemble plus grand de 22 timbres retrouvés en 1931 à Bordeaux … par hasard entre deux pages d’un livre (!), et revendu en blocs séparés.
Quant au timbre le plus cher du monde, il s’agit toujours d’un one cent noir et magenta, émis en Guyane britannique en 1856. Il a été vendu en 2014 pour 9,5 millions de dollars pour la simple raison qu’il est le seul exemplaire connu. Voici à quoi il ressemble :
Source : Ouest France