C’est une humble pièce d’acier qui empêche les bouchons des bouteilles de boissons effervescentes de sauter inopinément : le muselet nécessite une technologie qu’aujourd’hui seule une petite entreprise champenoise maîtrise encore en France.
A Oiry (Marne), près d’Épernay, “Muselet Valentin”, très discrète société de 40 salariés seule survivante des trois marques historiques de la Champagne d’après-guerre, cache un univers sans équivalent où la mécanique pure tient toujours le haut du pavé technique.
“Au seul bruit de la machine, on sait qu’il y a un problème…” relève Armidéo Suarez, le responsable du stratégique atelier de maintenance.
Labellisé Entreprise du Patrimoine Vivant depuis 2012, l’Atelier B, initiale de son concepteur M. Bayard, tient autant de l’horlogerie par le ronronnement cadencé des machines que de l’industrie textile par les bobines de fils d’acier galvanisé ou laqué qui viennent les alimenter avec une régularité de métronome.
“Non seulement ces machines sont uniques, mais il n’existe en France aucun fabricant de machines à fabriquer des muselets. Il nous faut donc réparer nous-mêmes. On usine toutes nos pièces” explique le responsable du site Richard Brion.
C’est pourquoi la transmission du savoir faire est vitale. “Il faut cinq ans pour former un mécanicien et dix ans pour qu’il soit totalement maître de sa machine. Il faut trois anciens pour former un jeune”, précise le directeur.
400 millions de muselets par an
Inventé au milieu du XIXe siècle par Adolphe Jacquesson, un négociant de Châlons-sur-Marne, le muselet dit mécanique accompagné de sa plaque de métal est à l’époque une vraie révolution. Auparavant, les bouchons de champagne n’étaient maintenus que par de la ficelle de chanvre souvent grignotée par les souris.
L’invention fit rapidement tache d’huile car elle faisait quasiment disparaître le risque, alors fréquent, que le bouchon ne saute accidentellement, en cave comme durant les expéditions.
Au début des années 1960, le “Muselet Valentin” fait définitivement entrer la fabrication du muselet dans l’ère de l’automatisme mécanique. L’entreprise n’en est plus sortie depuis, même si, dans l’infranchissable atelier N – secret industriel oblige – quelques nouvelles machines avec un rien d’intelligence artificielle ont fait leur apparition.
Mais dans l’historique atelier B, les machines continuent de tricoter le fil d’acier doux qui formera en un savant tressage la ceinture et le corps, aussi appelée cage, sur lequel viendra s’emboiter la plaque. Au total, près de 400 millions de muselets sortent chaque année de l’entreprise, la moitié destinée au champagne, le reste aux autres effervescents, vin, cidre et bière. Un tiers est exporté.
La manufacture va même jusqu’à assembler à la main les muselets des plus grands formats de bouteilles, du Jéroboam de trois litres (quatre bouteilles) jusqu’au Melchisédech de trente litres (quarante bouteilles), dans un petit atelier à salarié unique. La fabrication y est décomposée en quatre opérations réalisées par quatre machines différentes, d’où sortent également les éditions limitées baptisées Art Collection.
Elles viennent couronner les plus belles cuvées et font l’objet d’une âpre compétition chez les “placomusophiles”, les collectionneurs de plaques de muselets.
Depuis 1998 et son rachat par le groupe familial d’Épernay Sparflex, spécialisé dans la création et la production de plaques et de coiffes de surbouchage, cette tendance à l’originalité s’est amplifiée et deux à trois mille nouvelles références sont ainsi imaginées chaque année.
Source : Terresdevins
Dernière société à fabriquer ce produit, et ensuite ???
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