Quand un breton possédait la moitié de San Francisco !

Limantour2Originaire du Morbihan, Joseph Yves Limantour aurait pu être l’un des hommes les plus riches du monde au XIXe siècle. Le Breton avait mis la main sur de nombreux terrains de la ville de San Francisco, en Californie, avant d’en être dépossédé par les Américains.

(dédicace pour Marcel)

Il y a près de 200 ans, un Breton a possédé plus de la moitié de San Francisco, en Californie. Cet homme, c’est Joseph Yves Limantour « et il a une histoire incroyable », sourit Gilles Lorand, guide touristique français installé aux États-Unis, où il a créé sa société.

Originaire des Côtes-d’Armor, Gilles Lorand s’est spécialisé dans l’histoire des Français à San Francisco pendant la ruée vers l’or. Il y vit depuis 2010 et propose des visites en français et à pied. C’est en se penchant sur les travaux d’historiens comme Claudine Chalmers, Annick Foucrier ou encore Olivier Le Dour, qu’il a découvert la vie tumultueuse de Joseph Yves Limantour.

« Joseph Yves Limantour est né en 1812 à Keryado, une commune qui est devenue un quartier de Lorient (Morbihan). Son père était l’un des gardiens du port de Lorient »indique Gilles Lorand. En 1831, le jeune Breton, âgé de 19 ans, s’engage dans la marine marchande. Il navigue jusqu’en 1836 entre la France et Vera Cruz (Mexique). Il franchit ensuite le cap Horn pour faire du cabotage sur la côte Pacifique, en acheminant principalement des marchandises entre le Mexique et la Californie, mexicaine depuis 1821.

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« Le début de l’aventure de Limantour à San Francisco commence par un naufrage »remarque Gilles Lorand. En effet, en 1841, sa goélette L’Ayacucho s’échoue sur une plage de Point Reyes, dans le nord de la Californie. Cette plage porte désormais son nom, Limantour Beach. Malgré cette déconvenue, « Limantour va réussir à sauver sa marchandise et à la vendre, poursuit Gilles Lorand. Il en tire un bon pactole » et rachète un bateau pour poursuivre son activité de cabotage.

Le camp des Mexicains

Il rencontre en 1843 le gouverneur mexicain Manuel Micheltorena, chargé de gérer la Californie. « Limantour va lui prêter de l’argent pour qu’il puisse nourrir ses troupes. » Pour le rembourser, le gouverneur mexicain donne au Breton des terrains à San Francisco, qui n’était qu’une petite ville à l’époque. « Ces échanges vont se poursuivre jusqu’à ce que la guerre américano-mexicaine éclate, en 1846. »

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Limantour choisit le camp des Mexicains et leur livre clandestinement des armes. En contrepartie, il récupère de nouveaux terrains, sur San Francisco et les îles de la baie. En 1847, le vaisseau américain de guerre Warren arraisonne son bateau, mais il se débarrasse à temps de la cargaison d’armes dans l’océan. Il préfère toutefois quitter la Californie pour quelques années et se réfugie au Mexique.

La Californie devient le 31e État des États-Unis le 9 septembre 1850. La guerre s’est achevée en 1848, avec la signature du traité de Guadaloupe Hidalgo, selon lequel les Américains s’engagent à maintenir les droits de propriété acquis du temps du Mexique. 1848, c’est aussi l’année de la ruée vers l’or en Californie, avec l’arrivée de nombreux aventuriers qui s’installent à San Francisco. C’est dans ce contexte que le Breton fait un retour pour le moins remarqué dans la ville américaine, en 1853.

San Francisco Bay 1849, Postcard

« Devant la Commission des terrains, mise en place par le gouvernement américain et chargée de valider tous les titres de propriété, Limantour va revendiquer une grande partie de San Francisco et les îles de la baie, comme Alcatraz, Yerba Buena, les îles Farallon, la péninsule Tiburon »énumère Gilles Lorand. Avec, à l’appui, les titres de propriété accordés par Manuel Micheltorena, que la Commission des terrains va valider.

Panique pour les nouveaux arrivants

Un vent de panique souffle alors sur la ville, car « des milliers de San Franciscains s’étaient installés sur les terres de Limantour, sans savoir qu’elles lui appartenaient », explique le guide. Des centaines d’entre eux vont racheter leur terrain au Breton, lui permettant d’amasser une petite fortune.

Mais le gouvernement américain va faire appel de la décision de la Commission des terrains, et pour cause : « Le gouvernement américain a construit des bâtiments fédéraux sur les terrains de Limantour (un hôtel des monnaies à San Francisco, une forteresse sur l’île d’Acatraz) et il ne veut surtout pas lui racheter des terrains », détaille Gilles Lorand.

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le fils, José Yves Limantour

Le 19 novembre 1858, après un long procès, la Commission des terrains conclut finalement à une fraude et annule la validation des titres de propriété de Limantour. Les titres étaient-ils vraiment faux ? Le fin mot de l’histoire n’est toujours pas connu, et selon Gilles Lorand, « on ne le saura jamais ». S’il n’avait pas été dépossédé de ses terrains, Joseph Yves Limantour aurait été l’un des hommes les plus riches du monde à l’époque.

Joseph Yves Limantour, inculpé pour faux et parjure, est arrêté puis finalement libéré sous caution. « Il finira confortablement sa vie au Mexique avec sa femme, qui est bordelaise, et ses deux enfants. »

Et les Limantour n’avaient pas fini de faire parler d’eux : leur aîné, José Yves Limantour, deviendra ministre des Finances au Mexique en 1893 !

Source : Ouest France


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