PARIS OUTRAGÉ, PARIS MARTYRISÉ, MAIS PARIS LIBÉRÉ … attendra longtemps son timbre.
La libération de Paris, le 24-25 Août 1944 est l’un des évènements majeurs de l’Histoire de France. Contrairement à d’autres villes, telles Metz ou Strasbourg célébrées dès 1945, il a fallu attendre 1964 pour qu’un timbre commémore, en France, la libération de la capitale.
Le premier timbre consacré à la Libération de Paris est américain. Émis le 28 septembre 1945, il représente le défilé des troupes américaines, le 29 Août 1944 sur les Champs Élysées. Les deux suivants sont émis pour les colonies. Le 8 mai 1946, un timbre montrant une allégorie de la Victoire et l’Arc de triomphe, puis le 6 juin 1946 un timbre (au sein d’une série de 6 intitulée « Du Tchad au Rhin ») représentant l’arrivée des chars de la 2e DB devant Notre-Dame, sont émis dans 15 colonies. Dessinés et gravés par Decaris ils sont imprimés par l’Atelier de Gravure.
Pendant 20 ans, aucun timbre ne célèbre la libération de la capitale en métropole. Et lorsqu’enfin une figurine voit le jour en 1964, elle n’est que partiellement consacrée à Paris et pour moitié à Strasbourg. Les deux séries coloniales de 1946 auraient pu, comme ce fut souvent le cas pour de telles émissions « impériales », comporter un timbre pour la métropole. Mais non. Des projets ont été réalisés. Des maquettes et même des épreuves ont été imprimées, dont une, étonnante, consacrée à la Libération par l’armée américaine. Mais aucun timbre n’a vu le jour.
Pourquoi Paris n’a-t-elle pas eu droit, pendant si longtemps, en France, à un timbre pour célébrer sa libération ? Une telle absence, une impasse si visible, n’est pas fortuite . Elle ne peut pas l’être à une époque où le sujet de chaque timbre est décidé aux plus hauts niveaux de l’État et où chaque vignette porte une part de l’image que la France donne d’elle-même et de son Histoire, au pays et au monde.
Les raisons de cette absence sont politiques.
Pour le Général De Gaulle, dans son célèbre discours du 25 Août à l’Hôtel de Ville, Paris a été « libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l’appui et le concours de la France tout entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle ». Pas un mot des Alliés, ni du Parti communiste, qui, pour le Général de Gaulle, (qui taxe les communistes de « séparatisme »), ne font pas partie de « la France éternelle ».
Pour les Alliés, Paris a été libérée par les Américains, comme en témoigne le timbre des États-Unis commémorant le défilé du 29 Août 1944 des troupes américaines sur les Champs Élysées.
Le Parti communiste revendique, quant à lui, un rôle déterminant dans l’insurrection partie de la Préfecture de Police le 19 Août. Le 25 Août, le général De Gaulle fera remarquer d’une voix glaciale à Leclerc que le nom de Rol-Tanguy, communiste, chef des FFI, n’aurait pas dû figurer sur l’acte de capitulation.
Après le départ du général De Gaulle du Gouvernement en 1946 et l’exclusion des ministres communistes du Gouvernement Ramadier en 1947, sur fond de guerre froide, une célébration « philatélique » de la Libération de Paris aurait, compte-tenu de la force des images et de la popularité des timbres auprès du grand public, déclenché une guerre des mémoires et des interprétations, dont les communistes seraient, vu leur poids et leur prestige, sortis gagnants. Dans les colonies, la question n’est pas aussi sensible : le Viet Minh réalise ses propres timbres et les séries coloniales de 1946 n’ont pas été émises en Afrique du Nord.
Paris a attendu 20 ans son timbre. Car, mettre l’accent sur l’insurrection parisienne n’était pas possible en raison du rôle revendiqué par le Parti communiste. Célébrer le rôle des Américains ne l’était pas non plus au moment où la légende gaulliste d’une France libérée par elle-même tenait lieu d’Histoire.
Bernard Quirin, Groupe « Etudes philatéliques » sur facebook
Très instructif, merci pour cet article. Ah le Général de Gaulle! Au moins il avait compris que les communistes se battaient plus par idéologie que par amour de la Patrie, car ils sont avant tout « internationalistes ».
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