Nos amis belges du CRPJ (Cercle Royal Philatélique de Jemmepes sur Meuse, près de Liège) nous proposent une nouvelle étude sur le Service Dequesne.

« Le transport provisoire et privé de correspondances Bruxelles – Wavre – Namur – Dinant » n’eut qu’une durée momentanée, de septembre à octobre 1914, l’acheminement du courrier par voie postale ayant été rétabli en octobre 1914.

Ce service fut initié par la famille DEQUESNE suite aux événements dramatiques survenus à Dinant.

Dinant ville martyre

Le 23 août 1914, les Saxons, obnubilés par le souvenir des agissements des francs-tireurs lors du conflit franco-prussien de 1870, perdent leur sang-froid et commettent l’irréparable. En quelques heures, la localité, investie sans ménagement, sombre dans le chaos.

Les fantassins allemands, dépités par leur récent revers et persuadés de la duplicité des Dinantais, reçoivent un implacable mot d’ordre : piller, incendier, massacrer sans égard à l’âge, au sexe et aux infirmités.

Si l’ampleur des dégâts matériels est affligeante, ce n’est rien à côté du bilan humain. La ville ressemble à un vaste charnier : 674 morts, privés d’obsèques, ont été jetés hâtivement dans les fosses communes.

Près de 10% de la population civile a payé le plus lourd tribut qui puisse être exigé ! Une population, dépossédée de ses biens et humiliée par la déportation immédiate de plus de 400 innocents au camp de Cassel.

Une poste privée

Nous reproduisons ci-après un document très intéressant mais d’un auteur inconnu avec l’aimable autorisation du cercle philatélique d’Hastière en la personne de Monsieur Roger GRAVET. Article initialement publié dans la revue Belgaphil.

Parmi les captifs, se trouve le receveur des contributions honoraires, Monsieur Joseph DEQUESNE qui, en cours de route, parvient à griffonner un mot à l’adresse de son frère qui habitait Bruxelles, et à le glisser dans la main de l’une des personnes qui assistaient au départ du convoi.

Ce frère, Monsieur Louis DEQUESNE, fonctionnaire retraité des chemins de fer, ayant reçu ce mot et comprenant que sa présence était nécessaire à Dinant pour mettre à l’abri des papiers compromettants, prend arrangement avec un voiturier de Saint-Josse-Ten-Noode, un certain PLUMAECKERS et gagne la cité mosane par la route (les chemins de fer étant réquisitionnés par l’occupant). Sa belle-sœur étant dans le plus complet dénuement, ses biens ayant été pillés, l’incita à faire de nouveaux voyages et se charge de lettres à destination de Dinant à l’aller, et de Bruxelles au retour.

Dans l’intervalle, il parle de la chose à l’un de ses amis et fonctionnaire comme lui aux chemins de fer, Monsieur Ernest CHAINEUX (un philatéliste de renom de l’époque). Ce dernier conseille de réduire les frais coûteux de ces voyages en voiture en organisant un service de courrier provisoire entre les deux villes, avec relais à Wavre et à Namur, les personnes qui y auraient recours pouvant lui confier des lettres et petits colis moyennant une participation aux frais.

En ce début de septembre 1914, il se fait que beaucoup de Dinantais se réunissaient à Bruxelles dans une brasserie proche de la gare du Luxembourg, pour échanger les nouvelles reçues du pays soit par des personnes voyageant en carrioles, à vélo et même à pied par petites étapes. Monsieur Louis DEQUESNE en fit part à ces Dinantais, l’initiative fut acceptée et l’on passa à l’organisation de ce service.

Le voiturier se chargeait du transport de ces lettres et petits colis jusque Dinant avec dépôt à Wavre et à Namur. Ces plis étaient déposés dans des cafés de ces localités où les destinataires pouvaient les faire enlever ; il fut convenu en conséquence d’un droit de port de 15 centimes par lettre, lequel serait intégralement versé au voiturier contre un petit reçu.

Monsieur Ernest CHAINEUX, en tant que philatéliste, trouva l’occasion trop belle pour la laisser échapper, et proposa de créer un timbre qui ferait office de reçu et empêcherait que le port puisse être payé à la fois par l’expéditeur et le destinataire, proposition qui fut admise.

Le reçu prit la forme d’une vignette gommée du format de 23 x 73 mm, imprimée en vert sur papier teinté rose.

Ces timbres, imprimés en vert sur du papier gommé de couleur intermédiaire entre le rose et l’orange, portent dans un cadre divisé en trois (dont la partie centrale est la plus large) :

• A gauche, un cheval et l’indication COURRIER (dans le haut) et une lettre C dans le bas ;
• Au centre, sur 4 lignes : Transport provisoire et privé de correspondances Bruxelles-Wavre-Namur-Dinant ;
• Et à droite sur 3 lignes : Participation 15c. aux frais.

Oblitérations utilisées

L’oblitération sous forme d’un grand « B » en rouge, était apposée au départ de Bruxelles, alors qu’au départ de Dinant, c’était un grand « D » en bleu.

Ces plis sont très rares (3 ou 4 seraient connus dont un seul en provenance de Dinant) vu la courte durée de ce service, soit moins de deux mois.

Réalité ou fabrication philatélique ?

Certains érudits s’interrogent à ce propos car aucun document officiel n’est connu au sujet de cette organisation et toutes les correspondances authentifiées proviennent de la famille DUQUESNE. Nous pourrions envisager dès lors qu’il s’agissait d’un service postal privé essentiellement familial.

Quoi qu’il en soit, l’intérêt suscité par ces très rares documents, ne fût-ce que pour l’histoire postale, de notre avis personnel, est indéniable ; le prix d’adjudication réalisé par des Maisons de vente de réputation mondiale le confirme.

Il ne s’agit pas ici de créer une quelconque polémique, mais simplement de rassembler les informations connues et rester objectif. Au final, si les zones d’ombre qui émaillent ce récit éveillent la curiosité de certains d’entre vous, l’objectif de cet article est atteint.

Sources : maisons de vente philatélique – La poste belge durant la guerre de 1914 – 1919 par René SILVERBERG (1976) – cercle philatélique d’Hastière (Monsieur Roger GRAVET) – http://www.dinant.be/patrimoine/histoire-dinantaise.