La décision de construire un canal à travers le Panama – à la place du Nicaragua, alors le principal concurrent pour une voie d’eau trans-isthmienne reliant l’Atlantique et le Pacifique -, est sans doute due à un timbre-poste.
En effet, le Français Philippe Bunau-Varilla, qui demandait l’approbation de la route panaméenne par les Etats-Unis, envoya à l’été 1902 une copie du timbre nicaraguayen de 1900 à chaque membre du Congrès. Momotombo, le volcan fumant représenté sur le timbre, suggéra que la route nicaraguayenne – plus longue mais potentiellement moins un défi d’ingénierie que la Panaméenne – était sur un terrain sismique dangereux. Un volcan qui avait fait éruption quelques mois plus tôt en Martinique, tuant 30 000 personnes, était encore très présent dans les esprits.
Le fait que ce timbre ait réellement fait changer d’avis les sénateurs et les membres du Congrès est encore débattu aujourd’hui. Ce qui est certain c’est que ce timbre fit partie de l’effort de lobbying réussi de Bunau-Varilla et de l’Américain William Nelson Cromwell.
L’ingénieur Bunau-Varilla avait la fierté, il voulait «défendre le génie français», dit Charles D. Ameringer, et l’argent investi dans un canal panaméen. Cromwell, dont le nom se perpétue dans un cabinet d’avocats international, était un avocat d’entreprise recruté par la compagnie française des canaux pour tenter de traverser le Panama. Cet effort français infructueux, mené par le vétéran Ferdinand de Lesseps de canal de Suez, avait commencé dans les années 1880.
Ameringer note que même si Bunau-Varilla et Cromwell se sont fachés et se sont ignorés par la suite, en tant qu’équipe ils ont peut-être été les premiers grands lobbyistes du XXe siècle.
Bunau-Varilla et Cromwell ont en effet réussi la passe de trois : demander aux Français de céder leurs droits de concession aux Etats-Unis, puis convaincre les États-Unis de choisir le Panama, et enfin financer et faciliter la révolution qui a séparé le Panama de la Colombie. Pour couronner le tout, Bunau-Varilla est devenu le premier ministre du Panama aux Etats-Unis.
Le Panama s’est déclaré indépendant le 3 novembre 1903, avec des navires de guerre américains stationnés sur ses deux côtes. Le traité de Hay-Bunau-Varilla, signé deux semaines plus tard, a donné aux États-Unis « à perpétuité » une « zone canal » de 16 milles de large et 80 milles de long à travers le nouveau pays.
Considérant que la plus grande partie du Congrès à Washington soutenait la route du canal nicaraguayen depuis une décennie, les six mois de travail de Bunau-Varilla et Cromwell en 1902 pour que le Congrès emprunte la route du Panama fut une « brillante réussite dans le lobbying. »
Le Panama était-il le meilleur endroit pour construire un canal ? Peut être. Mais la décision n’a jamais vraiment été une question d’ingénierie ou de géologie. C’était de la politique : de l’argent, des investissements, des intérêts et de la publicité, y compris avec ce fameux timbre.
Le canal a ouvert ses portes en 1914. Environ 5 600 personnes, dont la plupart sont des travailleurs antillais, ont trouvé la mort pendant sa construction. Par un traité de 1977, le territoire des États-Unis connu sous le nom de zone du canal de Panama a cessé d’exister en 1979. En 1999, le contrôle total du canal a été transféré au Panama. Une extension pour les grands navires a été achevée en 2016. Et tant que nous sommes dans les chiffres : un navire utilisant le canal plutôt que de contourner la route autour du cap Horn économise 7 872 miles de voyage.
Traduit du Jstor Daily
Voir aussi notre série d’articles sur la construction du canal de Panama
Voici comment les timbres-poste illustrent l’histoire, mais elles peuvent aussi l’influencer! C’est un article très intéressant! Cătălin
J’aimeJ’aime
Cela me rappelle une présentation très documentée de Jean Michel
J’aimeJ’aime
Effectivement construire un canal maritime aussi vital au pied d’un volcan en activité aurait été une sottise.
Finalement la philatélie venant en appui au réalisme, c’est une belle aventure
J’aimeJ’aime