Harriet Tubman aura-t-elle son billet de 20$ ?

Harriet Tubman sera-t-elle la première femme noire à orner les billets de 20 dollars aux États-Unis ? Cette volonté de Barack Obama en 2016 (voir notre article) avait été remise en cause par l’arrivée de Donald Trump au pouvoir. Mais lundi 25 janvier 2021, la nouvelle administration du 46e président Joe Biden a annoncé son intention de relancer le projet.

Former slave Harriet Tubman to replace Pres. Jackson on US $20 bill: official

« Il est important que nos billets, notre argent […] reflètent l’histoire et la diversité de notre pays, et l’image d’Harriet Tubman ornant la nouvelle coupure de 20 dollars les reflète de façon évidente », a ainsi déclaré Jen Psaki, la porte-parole de la Maison-Blanche.

La militante antiesclavagiste, morte en 1913, deviendrait ainsi la première personnalité afro-américaine à figurer sur un billet de banque américain, y remplaçant le président populiste Andrew Jackson (1767-1845), personnage controversé mais admiré par Donald Trump. En 2019, lorsque ce dernier avait abandonné le projet, de nombreux américains s’étaient confectionné un tampon à l’effigie d’Harriet Tubman qu’ils avaient apposé sur celle de Jackson (voir ci-dessous).

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Le tampon Harriet apposé sur la face de Jackson.

Ce projet est relancé dès le début du mandat de Biden, alors que le pays est traversé depuis près d’un an par le mouvement Black Lives Matter, dénonçant le racisme et les violences policières. Un contexte qui met en lumière le destin hors norme de cette Américaine du XIXe siècle.

La mort ou la liberté

Née aux alentours de 1820 sur la côte Est du Maryland, dans le comté de Dorchester, Araminta « Minty » Ross, de son nom de naissance, grandit en tant qu’esclave.

Tantôt nourrice fouettée dès que le bébé pleurait, tantôt obligée d’installer des pièges à rats musqués dans l’eau glacée, tantôt assignée à des travaux forestiers ou dans les plantations, elle connaît une première vie de servitude. Elle reçoit même un coup violent à la tête par un surveillant, qui provoque chez elle des évanouissements réguliers tout au long de son existence.

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Une gravure sur bois représentant Harriet Tubman pendant la guerre de Sécession.

En 1849, alors qu’elle s’apprête à être vendue, celle qui a pris le prénom de sa mère Harriet, décide de faire basculer son destin. Une première tentative de fuite avec deux de ses frères n’aboutit pas : le trio rebrousse chemin. Elle repart seule. « Il y avait deux choses auxquelles j’avais droit, la liberté ou la mort. Si je ne pouvais pas en avoir un, j’aurais l’autre ; car personne ne devait me prendre en vie », dira-t-elle plus tard.

Harriet Tubman gagne le droit à la liberté après une cavale de plusieurs jours, en suivant l’étoile polaire, pour passer la ligne Mason-Dixon qui séparait les États du Sud esclavagistes et les États du Nord abolitionnistes. Une fois de l’autre côté, elle raconte avoir regardé ses mains : « Pour voir si j’étais la même personne. »

La liberté et surtout celle des autres

Mais elle ne peut se satisfaire du sort de ceux qui sont restés là-bas. Libre et à l’abri, Harriet Tubman travaille alors à Philadelphie et rejoint les mouvements abolitionnistes. Mieux, elle décide de revenir à plusieurs reprises dans le Maryland pour libérer des esclaves, dont des membres de sa famille ! Évidemment, en toute clandestinité, à ses risques et périls.

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Carte postale ancienne de Harriet Tubman

En 19 voyages, on estime qu’elle aurait fait libérer entre 70 et 300 esclaves par le chemin de fer clandestin ! L’Underground Railroad était un réseau de maisons et refuges sûrs, soit « des stations », de routes clandestines, de tunnels et de contacts disséminés dans les États du Sud. Les fuyards pouvaient compter sur cette organisation clandestine pour atteindre la frontière avec les États du Nord, puis le Canada.

L’activité, évidemment dangereuse, n’effrayait pas ce petit bout de femme courageuse qui, raconte-t-on, n’hésitait pas à menacer ceux qui voulaient faire demi-tour. « Vous continuez ou vous mourrez », intimait cette analphabète, qui organisait les évasions plutôt en hiver, le samedi soir, parce que les propriétaires d’esclaves devaient alors attendre les journaux du lundi pour diffuser les avis de recherche.

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Une plaque commémorative à Auburn (Alabama), où a vécu Harriet Tubman

Sa légende personnelle dit qu’elle n’aurait jamais perdu un esclave, une opiniâtreté qui lui vaudra le surnom de « Moïse noire ». L’abolitionniste Frederick Douglas déclare même à son propos : « Je sais que personne n’a volontairement rencontré plus de périls et de difficultés pour rendre service à tous nos esclaves qu’elle. »

Encore des faits d’armes durant la guerre de Sécession

Quand la guerre de Sécession éclate en 1861, Harriet Tubman s’engage cette fois avec les forces de l’Union (du Nord) en Caroline du Sud. Tantôt cuisinière, tantôt infirmière, tantôt éclaireuse, elle prend notamment une part active dans un raid sur la rivière Combahee où 750 esclaves sont de nouveau libérés. De quoi continuer à écrire sa légende.

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Harriet Tubman vers 1885. (Photo : Horatio Seymour Squyer / Galerie nationale des portraits)

Par la suite, cette femme très religieuse continue son combat de militante pour les droits des femmes et l’antiracisme, mais elle est obligée de reprendre un travail de domestique pour subvenir à ses besoins. Altruiste jusqu’au bout, elle crée encore un foyer pour personnes indigentes, avant de s’éteindre en 1913, à environ 90 ans, dans l’État de New York.

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le timbre de 1978 – YT1188

Depuis, elle fait à juste titre partie de l’histoire des États-Unis qui ont donné son nom à un navire de la Marine en 1944 ou édité un timbre son effigie en 1978, etc.

Un biopic intitulé Harriet est sorti en 2019 (voir teaser ci-dessous), et un nouveau musée a ouvert à Cape May dans le New Jersey en septembre 2020.

En attendant les billets de 20 dollars ?

Source : Ouest France

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