Où l’on rencontre un petit-fils qui s’inscrit en faux.
Paris, 5 mai 1930. Un vent de panique souffle sur le petit monde des galeries d’art. La police vient de saisir 300 toiles et dessins pour les expertiser. Il pourrait s’agir de faux ! La plupart sont signés Jean-François Millet, et d’après les premiers éléments de l’enquête, la famille de l’artiste est au cœur de l’affaire…
Le pauvre Millet n’y est cependant pour rien. Ce peintre de l’école de Barbizon – mouvement considéré comme précurseur de l’impressionnisme – est mort depuis 50 ans. C’est son petit-fils de 38 ans, Jean-Charles, qui intrigue la police.
Il a vendu un tableau de son aïeul à un riche industriel qui, depuis qu’il le regarde dans son salon, doute de son authenticité.
Interrogé par la police, Jean-Charles Millet avoue aussitôt l’escroquerie. Il prend même plaisir à raconter comment il a trompé de grands experts, affirmant par exemple que Les Botteleurs, tableau qui fait la fierté d’une prestigieuse galerie d’Édimbourg, est un faux. « Grattez la barrière et vous découvrirez une vache », glisse-t-il avec malice.
Effectivement, la vache apparaît, révélant le stratagème du faussaire. Pour créer des Millet crédibles, il achetait des tableaux anciens en brocante puis les confiait à un complice, ancien peintre en bâtiment ayant un bon coup de pinceau. Celui-ci ajoutait quelques éléments dans le style de Millet et en supprimait d’autres.
Jean-Charles se servait ensuite de la griffe de son grand-père pour signer l’œuvre. Cet objet, retrouvé dans son grenier, permettait en effet de reproduire le monogramme de l’artiste. Ainsi maquillé, le petit tableau acheté une bouchée de pain chez un brocanteur était revendu comme un authentique chef-d’œuvre de Millet.
Et pour rassurer totalement les acheteurs, Jean-Charles recrutait un chanteur des rues pour jouer le rôle du grand expert artistique. L’histoire ne dit pas si ce dernier chantait bien, mais sa sérénade auprès des collectionneurs fonctionnait en tout cas à merveille !
NDLR : Mais savez-vous que les deux timbres présentés dans cet article ont eux aussi …quelque chose de faux ? En effet, La Poste a oublié le « J » de Jean-François Millet sur le timbre du Glaneur ; quant au timbre du Liberia, il est tout simplement inversé par rapport à l’oeuvre initiale (ci-contre) de Millet !
En savoir + :
- Après deux passages au tribunal, Jean-Charles Millet cumule un an et demi de prison. Pour découvrir tous les rebondissements de cette affaire, c’est d’ailleurs vers un ancien juge qu’il faut vous tourner : dans Le Faussaire de la famille, Éric Halphen décortique cette incroyable entreprise de faux tableaux « Millet et petit-fils ».
- Et si les histoires qui mettent le marché de l’art en émoi vous fascinent, L’Affaire Ruffini est pour vous. Son auteur, Vincent Noce, enquête sur un mystérieux personnage soupçonné, depuis 2016, d’avoir vendu de faux tableaux de maîtres aux plus grandes institutions du monde !
Source : Artips