J’ai eu l’occasion de visiter dernièrement le lycée Emile Zola de Rennes, et vous propose de partager ce que j’y ai appris. Nous avons déjà vu l’historique de cet établissement, les collections et les ouvrages anciens qu’il conserve, découvrons aujourd’hui pour ce dernier épisode les personnages célèbres qu’il a hébergé. (cliquer sur les images pour agrandir)
Près de cinq siècles que maîtres et élèves se côtoient, s’apprécient ou s’affrontent en ce même lieu de la Basse Ville où un Collège fut fondé pour la première fois en 1536 !
Des classes des Jésuites aux cours de l’Ecole Centrale, des dortoirs napoléoniens aux études du Collège royal, des espaces neufs voulus par Napoléon III aux couloirs rénovés du lycée d’aujourd’hui, les hôtes qui fréquentèrent l’institution furent innombrables.
Parmi eux, quelques acteurs de la vie religieuse, politique, scientifique ou artistique, émergent à chaque génération.
Dans cette dernière partie de notre visite, nous en évoquerons quelques-uns comme nous évoquons ceux que le destin a conduit à hanter bien malgré eux, les murs de l’établissement ; Nous pensons bien sûr à Alfred Dreyfus lors de son second procès, mais aussi aux blessés de la Grande Guerre soignés et rééduqués à « l’hôpital n°1 ».
Et tout d’abord, quelques anciens élèves …
*** René Trouin, sieur du Gué, dit Duguay-Trouin, né le 10 juin 1673 à Saint-Malo et mort le 27 septembre 1736 à Paris. Né dans une famille d’armateurs malouins, le jeune homme est d’abord destiné à la prêtrise. Il étudie à Rennes et Caen, et porte même la tonsure. Il est pourtant renvoyé de son école à Rennes en 1684 pour mauvaise conduite car ses professeurs estiment qu’il passe plus de temps à courir les filles qu’à étudier … et embarque comme matelot volontaire à 16 ans en 1689.
Malgré le mal de mer dont il souffre, le matelot deviendra célèbre corsaire, puis capitaine de la Marine Royale.
*** Fils de chirurgien, Pierre-Jean-Baptiste-François Elleviou (1769-1842) refuse de suivre les traces de son père et s’enfuit pour Paris où il approche le monde des comédiens. Doté d’une voix bien timbrée, il réussit à obtenir un rôle qu’il s’apprête à jouer quand il est appréhendé par les forces de l’ordre qui le ramènent au logis paternel. Il retournera néanmoins vers l’opéra et sera le ténor de Napoléon.
.
*** Le vicomte François-René de Chateaubriand (1768-1848) est issu d’une famille aristocratique ruinée de Saint-Malo. Puis, grâce à la réussite commerciale de son père, la famille acquiert et s’installe au château de Combourg en 1777, où il y passe une enfance qu’il décrira comme souvent morose auprès d’un père taciturne et d’une mère superstitieuse et maladive, mais gaie et cultivée. Après ses études réalisées en partie au « Collège de Rennes« , et des voyages en Amérique du Nord et en Orient, il réalisera les œuvres littéraires romantiques qui lui apporteront le succès que l’on connait : « Atala », « René« , « Le génie du Christianisme » et bien sûr ses « Mémoires d’Outre Tombe« .
*** Isaac René Guy Le Chapelier (1754 – 1794) fit ses études à « Zola » puis à la faculté de droit de Rennes. Avocat à Rennes, il se fit remarquer en combattant les ordres privilégiés. Élu député du tiers état, il se montra un orateur brillant. Il fut d’ailleurs le quatrième président de l’Assemblée nationale constituante du 3 au 16 août 1789.
Le Chapelier fut un de ceux qui réclamèrent la transformation des biens du clergé en biens nationaux et se consacra à la préparation des lois les plus importantes. Il fut notamment l’auteur de la loi qui porte son nom, la loi Le Chapelier du 14 juin 1791, interdisant les corporations, le compagnonnage, les coalitions ouvrières et le droit de grève.
Comme beaucoup de politiques en cette période changeante et troublée … il finira mal : condamné à mort, il sera guillotiné le même jour que Malesherbes.
*** Pierre-Louis Ginguené, né à Rennes le 25 avril 1748 et mort à Paris le 16 novembre 1816, est un journaliste, écrivain, professeur et poète français. Il fit ses études au collège Saint-Thomas de sa ville natale où il eut pour condisciple Évariste Parny.
Il sera tour à tour directeur de l’Instruction publique au ministère de l’Intérieur, membre de l’Institut de France, puis ambassadeur de la République française à Turin.
Homme foncièrement honnête et bon, on le surnommait « le bon Ginguené ».
.
*** Evariste Parny quitte son île natale de La Réunion (Ile Bourbon) à l’âge de 9 ans et rejoint Pierre Louis Ginguené à « Zola ». Envisageant tout d’abord d’embrasser la carrière ecclésiastique, il y renoncera, estimant qu’il a « perdu une foi qui n’a d’ailleurs jamais été trop vive » … pour choisir une carrière militaire !
Il tombera passionnément amoureux d’une jeune personne, Esther Lelièvre, que son père l’empêchera d’épouser. Cette histoire inspirera au jeune homme les Poésies érotiques, publiées en 1778, où Esther apparaît sous le nom d’Éléonore. Le recueil a d’emblée un grand succès et apporte la célébrité à son auteur.
*** L’inventaire serait incomplet si l’on omettait d’évoquer le peuple des caricatures dont certains potaches à l’œil acéré et au coup de patte habile, ont couvert feuilles de dessin et pages de livres.
L’une de ces créatures née de la rencontre de quelques garnements avec un professeur de physique aussi titré que chahuté, nommé Félix Hébert, prit une épaisseur inédite et inquiétante du jour où l’élève Alfred Jarry (1873 – 1907) s’en empara pour en faire Ubu Roi, type universel du tyran borné et sanguinaire.
Quelques professeurs …
*** Paul-Joseph Catoire, né à Saint-Omer (61) en 1868, décédé au château de Brives (36) en 1945.
Derrière le professeur de dessin, un peintre post-impressionniste et un des inspirateurs de la réforme de l’enseignement du dessin (1909).
.
.
*** Henri Auguste Lamour : peintre et professeur de dessin au lycée de Rennes 1892 – début XX°
.
.
.
.
… et enfin les deux personnages ayant marqué le Lycée
La condamnation fin 1894 du capitaine Dreyfus – pour avoir prétendument livré des documents secrets français à l’Empire allemand – était une erreur judiciaire sur fond d’espionnage, dans un contexte social particulièrement propice à l’antisémitisme et à la haine de l’Empire allemand à la suite de son annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine en 1871.
Emile Zola donne le 13 janvier 1898 une nouvelle dimension à l’affaire Dreyfus, qui devient l’Affaire. Premier grand intellectuel dreyfusard, il est alors au sommet de sa gloire : les vingt volumes des Rougon-Macquart ont été diffusés dans des dizaines de pays. C’est une sommité du monde littéraire, et en a pleinement conscience.
Il publie en première page de L’Aurore, un article de 4 500 mots sur six colonnes à la une, en forme de lettre ouverte au président Félix Faure : « J’Accuse…! ».
Le prisonnier Dreyfus n’est en rien au courant des événements qui se déroulent à des milliers de kilomètres de lui. Ni des complots ourdis pour que jamais il ne puisse revenir, ni de l’engagement d’innombrables honnêtes hommes et femmes à sa cause. Le 5 juin 1899, Alfred Dreyfus est prévenu de la décision de cassation du jugement de 1894. Le 9 juin, il quitte l’île du Diable, cap vers la France, enfermé dans une cabine comme un coupable qu’il n’est pourtant plus. Il débarque le 30 juin à Port-Haliguen, sur la presqu’île de Quiberon, dans le plus grand secret, « par une rentrée clandestine et nocturne ».
.
Le procès s’ouvre le 7 août 1899 dans un climat de tension extrême. Rennes est en état de siège. Le 9 septembre 1899, la Cour rend son verdict : Dreyfus est reconnu coupable de trahison mais « avec circonstances atténuantes » (par 5 voix contre 2), condamné à dix ans de réclusion et à une nouvelle dégradation. Contrairement aux apparences, ce verdict est au bord de l’acquittement à une voix près. Il sera finalement amnistié le 17 novembre 1899, puis réhabilité … en 1906.
Voila qui termine notre visite du lycée Emile Zola de Rennes, qui j’espère vous aura fait plaisir. En savoir + : le site Amelycor