Suite de nos aventures en Bohême (voir le premier article De la Bohême à la République tchèque), je vais aujourd’hui vous conter une petite histoire (sombre) qui marqua l’Histoire avec un grand H de la République Tchèque. Trois éléments distincts sont acteurs de cette histoire. (cliquez sur les images et photos pour agrandir)
un aperçu de Lidice en mai 1942
Une histoire dans l’Histoire
Nous sommes à la fin de l’année 1938, à Lidice, petit village de 500 âmes, situé à une vingtaine de kilomètre au Nord-Ouest de Prague. Un de ses habitants, un certain František Saidl, assiste à un mariage dans le village, et à la suite d’un différend familial, tue accidentellement son fils. Quatre jours après le début de l’occupation de la Bohême et de la Moravie par l’armée allemande, Saidl est condamné à quatre ans de prison. En 1941, après avoir purgé les deux tiers de sa peine, il sollicite sa libération anticipée pour bonne conduite, ce qui lui est refusé … et qui ironiquement, nous le verrons, lui sauvera la vie.
Par ailleurs, mais à la même période, deux autres habitants de Lidice refusant l’occupation allemande, quittent le pays pour rejoindre l’Angleterre et s’engager auprès des alliés.
Enfin, et toujours sans aucun lien avec les deux évènements précédents, un quatrième homme écrit des lettres enflammées à sa maîtresse, se vantant mensongèrement d’exploits au sein de la Résistance contre les allemands.
Le 27 mai 1942, les deux tchèques engagés auprès des alliés se font parachuter sur Prague et réalisent un attentat qui coûtera la vie au SS-Obergruppenfuhrer Reinhard Heydrich qui commande la région. La Gestapo, ayant eu connaissance des lettres écrites par le quatrième homme, rend le village de Lidice pour responsable de cet attentat et organise une expédition punitive alors que – rappelons-le – ces lettres n’ont absolument rien à voir avec l’attentat. Les 184 hommes du village, ainsi que plusieurs femmes et enfants, seront fusillés, les femmes et enfants restants seront envoyés aux camps de concentration de Chelmno et Ravensbrück.
Les fusillés de Lidice
Après le massacre et les déportations, les nazis firent en sorte d’éliminer toute trace de l’existence même du village de Lidice, qui fut d’abord incendié. Puis en quelques mois de travaux, le terrain fut nivelé à la dynamite, les pierres enlevées, l’étang comblé, la route et la rivière détournées, tandis que le cimetière fut vidé de ses morts. Contrairement à Oradour sur Glane qui subira un sort similaire deux ans plus tard, il ne reste strictement aucune trace de Lidice.
Lidice avant … et après
Et c’est ainsi que, le 23 décembre 1942, ayant fini de purger sa peine, František Saidl, devenu le seul homme survivant de Lidice, sortit de prison et ne retrouva absolument plus rien de son village en y arrivant. Personne n’avait osé lui parler des évènements. Il resta sur place à errer et passa même le réveillon de Noël sur l’emplacement de son ancienne maison. Ses deux fils ont été fusillés, sa femme a finalement survécu à son internement au camp de concentration de Ravensbrück.
Emplacement de l’ancien Lidice, aujourd’hui
En 1945, trois ans après le massacre, le gouvernement tchécoslovaque s’engagea lors des cérémonies de commémoration à reconstruire le village, mais sur un emplacement voisin du village initial. La première pierre fut posée en 1947, et la construction des premières maisons commença en mai 1948, grâce à l’aide de volontaires venu de toute la Tchécoslovaquie et la vie finit par y reprendre son cours en 1949. Le massacre eut un tel retentissement dans le monde que le nom de Lidice fut donné à des localités du Mexique, du Brésil ou des États-Unis, ainsi qu’à des nouveau-nés.
Mémorial de Lidice
Le site de l’ancien village est devenu un mémorial, dont le monument le plus significatif est le « monument aux enfants victimes de la guerre », un ensemble statuaire de bronze tourné vers la vallée représentant les 82 enfants (42 filles et 40 garçons) qui furent asphyxiés dans les chambres à gaz de Chelmno.
A samedi prochain pour un nouvel épisode (moins triste !) en Bohême.
Voici en complément, deux souvenirs philatéliques adressés par Jean-Claude (merci !), l’un sur Lidice et l’autre sur son « homologue » français Oradour sur Glane :